Seigneur, tout ce que Vous avez fait ou laissé faire envers nous,
Vous l’avez fait en un juste jugement.
Car nous avons péché contre Vous, nous n’avons pas suivi vos commandements.
Mais donnez la gloire à votre Nom.
Faites avec nous selon la multitude de votre miséricorde.
Chers enfants,
Ce chant de l’Introït, c’est la prière de Daniel. La prière de l’Eglise. La nôtre.
Daniel est un prophète, un homme de Dieu qui a suivi son peuple en exil après la prise de Jerusalem. Ce 6ème siècle avant Jésus Christ est un temps mauvais; guerre, captivité, persécution des fidèles du Seigneur. Daniel est condamné par Nabuchodonosor, pour avoir refusé d’adorer des idôles, de se tourner tout entier vers des faux dieux. Il est d’abord jeté dans une fournaise, puis une fosse aux lions.
Il prie dans la fournaise, avec ses compagnons. Et le Seigneur ne l’abandonne pas. Il l’écoute. Il l’entend. Il le protège et le délivre.
C’est pourquoi ce livre est un appel à la foi et l’esperance en Dieu, pour les croyants du 2e siècle avant Jésus Christ. Mais aussi pour les fidèles de tous les lieux, tous les temps. Pour nous.
Mes frères, nous sommes avec Daniel dans la fournaise et la fosse aux lions, et ce temps est mauvais pour l’Eglise. Malheur à ceux par qui le scandale est arrivé. Le pardon divin est toujours possible, mais sa miséricorde va avec sa justice. Rachetons le temps mauvais, gardons confiance !
En écho à Daniel, écoutez l’Epitre de ce jour ;
Frères, avancez avec vigilance, conduisez-vous selon la prudence. Ne soyez pas imprudents, mais intelligents. St Paul donne le remède aux péchés de son temps, qui sont ceux de notre époque aussi ; dessinons-les ici à grands traits…
L’oubli et le rejet du vrai Dieu. Avec la tentation de se faire dieu et de s’adorer à travers les personnes et les choses.
Le silence sur le bien infini de Dieu et les fins dernières. Avec la soif de jouissance absolue, sans limites, et toutes ses conséquences tragiques.
La destruction et l’affaiblissement de l’autorité. Avec la tentation de domination et de destruction.
Non, dit St Paul, pas de domination, mais une soumission mutuelle dans la crainte du Seigneur. Cette crainte filiale, don du Saint Esprit, ce n’est pas la peur de Dieu, la paralysie. C’est un cœur d’enfant qui redoute, évite ce qui peut offenser notre Père du Ciel. Elle canalise la force, réprime la violence et la faiblesse coupable.
Nous voici donc également dans des temps mauvais pour l’Eglise.
La barque est secouée par les conséquences de 70 ans de crise spirituelle; crise de la foi, de l’autorité, du sacerdoce, de la paternité.
« Pour être combattu, le mal doit être connu. La verité doit être révélée, si terrible et douloureuse soit-elle. (…) la gravité de ces faits touche toute la société. Agir pour protéger les enfants, accompagner ceux qui ont des pulsions désordonnées, avant qu’ils passent à l’acte. Des solutions réalistes partout où des adultes et des enfants se cotoient1. » (Mgr Christory).
J’ai lu les recommandations de la CIASE. Elles m’inspirent 2 réflexions;
- Les règles de prudence, les repères de comportement et de vie données par la Tradition vivante de l’Eglise font d’elle une maison mère, une maison sûre. Vigoureusement, Benoit XVI et François ont rappelé ces règles ainsi que les exigences de justice pour ceux qui les violent2.
- A l’inverse, la rupture avec cette tradition vivante, avec ses règles simples, exigeantes, équilibrées, nous a conduits ici. Jésus est patient devant le mal, mais pas coupable, et sûrement pas complice. Jésus a un seul mot pour le scandale; Malheur.
Malheur à celui par qui le scandale arrive3!
Malheur aux comportements qui font rejeter Dieu, le Christ, son Eglise, son sacerdoce, ses sacrements!
Malheur à l’esprit de Mai 68, qui a proclamé la mort de Dieu, et pulverisé tout repère de vie, dans et en-dehors de l’Eglise. Il a livré les hommes à leurs pulsions, y compris certains hommes d’Eglise.
Malheur à ceux qui ont ri de la chasteté, de la pudeur, de la prudence, ces vertus si incarnées, si exigeantes, mais possibles et nécessaires. Nous pleurons leurs résultats. Nous les payons.
Malheur à ceux qui ont scandalisé des petits et des faibles, dans et en-dehors de l’Eglise.
Malheur à ceux qui, alors en responsabilité, ont cooperé directement à leur action abominable, en les couvrant, en ne les arrêtant pas.
Malheur à ceux qui ont meurtri des corps, et, plus grave encore, des âmes.
Certes le pardon divin est offert; il peut être reçu s’il est demandé. Les seuls péchés impardonnables sont le refus de pardonner et le refus d’être pardonné par Dieu. Mais ce pardon, cette miséricorde offerte fait rentrer dans la justice envers Dieu. Cela exige aussi de rentrer dans la justice envers le prochain offensé. En assumant les conséquences de ses actes. En prenant toutes les décisions pour que cela ne recommence pas. Absolution, ferme propos, réparation, restitution.
Alors oui, les temps présents seront mauvais pour les fidèles, pour les catholiques; «Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation ; qu’je m’démène ou qu’je reste coi, je passe pour un je ne sais quoi », chante Brassens. Nous serons au moins spirituellement des Daniel dans la fournaise et la fosse aux lions.
Et bien, nous rachèterons ce temps mauvais4 par la prière, la confiance en Dieu, la compassion aux victimes, la prévention auprès des personnes à risque, la vigilance. Voilà ce que nous pouvons retenir, graver dans nos mémoires et nos cœurs, méditer et vivre en ces temps difficiles.
Et nous sommes sûrs, avec Daniel et l’Introït, que Dieu donnera à son Nom la gloire, et à nous la Miséricorde. Amen !
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1Message de l’Evêque, vendredi 8 octobre 2021.
2Cf Ne faites pas de mal à un seul de ces enfants, Editions Artège, 2020.
3Luc XVII, et Matthieu XVIII.
4Epitre du jour, Ephésiens, V.