Au Nom du Père et du Fils et du saint Esprit, ainsi soit-il !
Mes bien chers frères et sœurs,
Le pèlerin qui arrive, au commencement de la Beauce, a un regard en enfilade.
- Il voit, au bout, le terme, les 2 flèches, la cathédrale. Il entonne le Salve, genoux en terre. Il tend ensuite vers elles avec une ardeur redoublée, plein d’amour et de désir.
- Mais il voit aussi la ligne de bois ou le champs devant lui. Il assume d’autres termes, d’autres rendez-vous proches. Et se retournant, comme à 360°, il voit derrière lui les bivouacs, les haltes et les pauses déjà traversés.
Je voudrais que nous ayions cette image bien en tête. Elle permet de bien lire et bien entendre cette page d’Evangile, et le discours eschatologique de Notre Seigneur.
C’est aussi un regard en enfilade et à 360°. Un regard devant et derrière.
- Au sens passé, le discours de Jésus regarde ce qui eut lieu lors du siège de Jerusalem par les romains en 70 et en 132.
- Au sens présent, ce discours regarde un 2° champs plus vaste, le temps de l’histoire de l’Eglise.
- Au sens futur, il regarde les signes avant coureurs du retour de Jésus en Personne, retour en gloire à la fin des temps. C’est ce qu’on appelle la Parousie.
Arrêtons-nous sur ce terme ultime de l’histoire, celui du retour du Seigneur.
Ce terme est en même temps lointain et proche. Nous ignorons en effet la distance de temps qui nous en sépare. Il ne nous appartient pas de connaître le jour et l’heure que le Père a fixé pour cela (Matthieu, XXIV, 36). En revanche il nous appartient d’être prêts, vigilants dans l’attente du Seigneur qui vient. Veillez, car je viens de bien des manières – veillez car je reviens bientôt, en Personne.
La pensée des derniers temps, l’imminence du retour de Jésus, la proximité de l’évènement doit se comprendre spirituellement.
Et cela se juge aux fruits qu’elle produit. Saint Paul, le premier, a précisé cette verité devant certaines erreurs entrainant des déviances morales. Les montanistes, les millenaristes prétendaient fixer dans l’agenda, mois, semaine, jour et heure du retour de Jésus. Ils en tiraient des conclusions pratiques pour le moins … peu catholiques ; ne pas se marier, ne pas se nourrir, ne pas se sanctifier…
C’était ajouter à la pensée de Dieu exprimée dans la Révélation… au risque de la fausser.
Toute autre est la pensée de Dieu (Apoc, XXII, 1).
« Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore;
et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore.
Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi,
pour rendre à chacun selon ce qu’est son oeuvre. »
Nous devons fixer dans la foi et l’esperance nos âmes sur le Christ qui vient.
C’est la force de l’orientation liturgique, de nous tourner vers le Seigneur. Non pas face ou dos au peuple, mais vers le Seigneur, tous, chacun selon sa place et sa fonction propre dans l’Eglise de Dieu.
Affirmation de théocentrisme , appel à la conversion quotidienne; Dieu est-Il vraiment au commencement, à la fin de tout, et de ma propre vie ?
La Sainte Messe est annonce de la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Elle réactualise le sacrifice de Jésus, acte majeur au centre de l’histoire, pour en appliquer les fruits à nos âmes. Et pour que nos âmes soient rendues conformes à celle de Jésus.
Toute l’histoire de la création, de l’Eglise, du salut, tourne autour du Christ.
Il est le Maître du temps et de l’histoire, Il les tient dans sa main. Autour de Lui dansent les siècles. Les mondes tournent, la croix demeure, dit la célèbre devise des chartreux.
Le sens chrétien de l’histoire, son ultime « pourquoi », c’est ce mouvement d’un état à un autre, cet arrachement à la puissance des ténèbres, ce passage dans l’admirable lumière de Jésus, dans le Royaume du Fils bien aimé.
Ainsi, nous comprenons mieux les expressions que nous entendons dans les prophètes, St Paul, et le discours eschatologique de Notre Seigneur. Nous prenons pour nous-mêmes l’appel à la vigilance spirituelle, sans cesse répercuté dans la Sainte Ecriture. Nous entendons et gardons correctement cette verité de foi; l’imminence, la proximité du retour de Jésus, les derniers temps, et surtout, la manière de nous y préparer.
Il est certain, et de foi, que tous verront le Christ Juge et se tiendront devant Lui.
Au jugement général, la sentence publique alors rendue confirme celle qui est donnée en privé, au sortir de cette vie, au jugement particulier. Il est donc non moins certain que le regard et la rencontre ne sera pas la même pour tous.
Le même Homme Dieu sera vu de tous, mais ce sera un regard de béatitude pour les uns, plein de douceur et de beauté ; « Venez les bénis de mon Père, possédez le Royaume préparé pour vous dès le commencement du monde». Ce sera pour les autres un regard d’effroi, de condamnation ; « Retirez-vous loin de moi, maudits, au feu éternel préparé pour le diable et ceux qui le servent ».
Imitons cette paisible vigilance des saints. Lorsque les sarrazins menaçaient de mort le roi Saint Louis, il ne bronchait pas.
« Tu n’as donc pas peur de mourir ? Lui demande-t-on.
- Que craindrai-je ? Si je vis, je sers Dieu, si je meurs, je le vois ».
Mes bien chers frères et soeurs, tout chrétien vigilant devrait pouvoir, au moins au fond de l’âme, en dire autant. Et c’est la grâce que je vous souhaite, au Nom du Père et du Fils et du St Esprit, amen.