Par nos progrès dans le bien,
supprimons les fautes dont nous nous sommes rendus coupables par ignorance,
de crainte que surpris soudainement le jour de la mort,
nous ne cherchions le temps de faire pénitence et ne puissions le trouver.
Seigneur, faites attention à nous, ayez pitié,
parce que nous avons péché contre vous.
Au Nom du Père et du Fils et du saint Esprit, ainsi soit-il
Emendemus in melius…
Nous avons écouté ce répons grave tout à l’heure en recevant les cendres. Nous avons entendu aussi du prêtre les mots graves du Créateur à l’homme tombé en péché. «Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière» (Genèse III, 19). Et la sagesse populaire renchérit; Chaque jour nous éloigne du berceau et nous rapproche de la tombe.
Parole dure et geste fort.
Parole dure!
Dure réalité; je suis poussière… C’est à dire; mortel, passible, pécheur. Parole tellement dure que l’homme passe la plus grande partie de sa vie à essayer d’oublier qu’il va mourir (Blaise Pascal).
Geste fort.
L’imposition des cendres reproduit le geste des habitants de Ninive, à l’appel du prophète Jonas. De la part de Dieu, il rappelle les conséquences dramatiques du péché des hommes. Il appelle à la conversion. Alors la ville se met en quarantaine à l’appel du Roi. Du chef au dernier des êtres vivants, tous prennent le sac et la cendre de la pénitence.
De longue date, dans la tradition biblique, la cendre symbolise notre condition fragile ; je suis ce peu de poussière qu’un courant d’air dissipera… «L’homme! Ses jours sont comme l’herbe, comme la fleur des champs il se consume et passe. Son esprit passe en lui et ne demeure pas ; il ne connaitra pas plus longtemps son lieu» (Ps CII, 15) Voilà tout ce qui reste du rameau vert en pleine sève, organisme vivant.
Elle symbolise aussi l’entrée en pénitence. Elle est reçue sur la tête, partie la plus haute et la plus noble de l’homme, siège des pensées. Ainsi le chrétien reçoit cette cendre sur sa tête, et dans son cœur cette verité. Et cette verité est source de remise en ordre. Et cette remise en ordre est source d’humilité. Car c’est cela, l’humilité… Humus ; la terre. L’homme retourne à la terre. Sa vraie grandeur est de le savoir, et de vivre en vue du ciel. Combien l’homme sans Dieu est incliné à vivre au-dessus de sa condition, de sa verité de pécheur mortel! Combien aussi le rappel de cette condition est salutaire, miséricordieux!
Emendemus… in melius. La pénitence nous émonde. Émonder, c’est l’action du paysan qui enlève branches et feuilles stériles pour aider l’arbre à porter du fruit. Taille précise, radicale, à chaque printemps. Émonder, c’est encore l’action du jardinier auquel le maître ordonne d’enlever le figuier stérile. « Pourquoi encombre-t-il le sol ? … – Laisse-le encore cette année, je vais le tailler et amender le sol, et si à la saison prochaine il ne porte pas de fruit, alors tu le retrancheras » (Luc XIII, 6-9).
Oui, le pardon de Dieu est offert, mais pas sans qu’on le demande.
Oui, la purification de l’âme est possible, le redressement de la créature est possible, avec la grâce de Dieu. Mais pas sans prière et pénitence.
Oui, on peut être sauvé, oui, on peut aller au ciel et désirer la béatitude, mais pas sans mortification.
Alors il faut demander. Écoutez le trait de ce jour, le grand trait du Carême qui va revenir 3 fois la semaine. Il faut demander avec larmes; DÉPLORER et IMPLORER. Il y a des larmes spirituelles que seule la pénitence peut tirer du profond du cœur. Larmes sur nos ingratitudes envers l’amour divin, larmes de confiance et de reconnaissance envers l’amour miséricordieux infini.
Il faut déplorer et implorer, pour soi d’abord. Mais pas seulement. Car le figuier et la ville de Ninive sont images, non seulement de nos âmes mais de l’Eglise et de la Chrétienté. L’Eglise est sainte mais composée de pécheurs, et par là-même elle a grand besoin de purification, de Carême et de pénitence. Les miennes, les vôtres. Ici et maintenant.
Je vous souhaite un saint et fructueux carême, « souriant et parfumé » !