TOUT EST CONSOMME.
LUMIÈRE, DOULEUR ET PAIX…
Les 3 premières paroles de Jésus en croix sont de LUMIÈRE, pour éclairer… Eclairer ceux qui le crucifient – celui qui meurt avec lui – enfin sa Mère et son disciple.
Les 2 suivantes sont de DOULEUR ; elles disent à nos âmes l’abîme de souffrance de Jésus en son Corps et son Ame.
Les 2 dernières sont de PAIX ; elles rappellent la maîtrise souveraine, la sérénité divine de Jésus.
« Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne.
J’ai le pouvoir de la donner et de la reprendre ».
Jésus vient de prendre le vinaigre, la posca, ce vin aigre que le légionnaire romain lui présente, imprégnant l’éponge qui bouchait sa gourde règlementaire. « Dans ma soif, ils m’abreuvent de vin aigre1 ». L’ultime prédiction se réalise. Oui, maintenant, tout est consommé.
Le Cardinal Journet écrit que Jésus a accompli toutes les prophéties, et à travers elle, la volonté du Père qui s’y exprimait. Toutes, elles orientaient l’attente de l’humanité vers ce point mystérieux du temps. Et là, toutes les choses de la terre et du ciel sont pacifiées, réconciliées par le sang de sa propre croix.
Quel paysage, et quel regard serein, alors. Il faut poser ce regard de Jésus pour regarder à l’endroit notre monde à l’envers.
Un monde à l’envers…
Aujourd’hui et ici, comme hier au calvaire, le Prince de ce monde travaille à faire mourir Jésus. Le spectacle du mal, du scandale, l’abandon sournois ou déclaré de la foi, l’éradication non seulement de Dieu, mais de tout signe de sa présence, le silence sur les racines chrétiennes de notre civilisation, qui accompagne son déssèchement, les fumées de Satan jusque dans l’Eglise de Dieu, le célibat consacré jeté aux orties, la profanation du mariage et de la famille, fondements de l’Eglise et de la société… Cela fait bien du désordre, bien du bruit, bien de l’obscurité et du trouble. Cela retentit jusque dans nos cœurs.
Et Dieu se tait. Et nous écoutons son silence, et nous en sommes, peut-être, effrayés. Jésus a écouté aussi le silence du Père. C’était, non un silence de réprobation mais d’amour. Jésus est entré dans le silence du Père. Un silence d’obéissance pleine, totale, aimante. Là était sa victoire sur le démon, le monde et le péché. « Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix… Il a offert des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver, avec un grand cri et des larmes. Il a été exaucé à cause de sa révérence. Tout Fils qu’Il était, Il a appris l’obéissance par ce qu’Il a souffert. Ainsi consommé, Il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, auteur du salut éternel » (St Paul).
Un regard à l’endroit…
Le regard de Jésus enveloppe maintenant le monde.
Un monde de beauté sorti des mains du Dieu Créateur;
un monde de difformité, échappé des mains de Dieu et défiguré par le péché et ses suites;
un monde de plus grande beauté, restauré et transformé par Lui, saisi entre ses mains transpercées et posé contre son Coeur ouvert.
Jésus acquiesce, il consent à l’ultime obéissance de sa mort par où la vie sera rendue au monde des âmes. Il consent, non par une nécessité intérieure, irrésistible, mais par une libre décision, une préférence.
Jésus obéit infailliblement, mais aussi librement à la volonté du Père. Les saints et saintes de Dieu le suivent dans cette obéissance presque infaillible. Ils entrent dans la liberté de l’obéissance à Dieu.
Au premier jugement de la Croix, Jésus annonce au monde que tout est consommé. La rédemption est pleinement acquise.
Au dernier jugement, Jésus annoncera au monde que tout est soumis. La rédemption sera pleinement distribuée.
Entre les 2 jugements, il y a place pour l’intercession. Il y a place pour que des âmes, nos âmes demandent les grâces de la Passion de Jésus. Pour que nos âmes demandent et reçoivent le fruit de la croix. Pour qu’elles le transmettent aux âmes, qu’elles amènent des âmes, qu’elles joignent des âmes à la croix de Jésus, dans la libre soumission de la foi, dans la jointure de la grâce, dans l’étreinte de la charité divine.
Une parole majestueuse, sereine, expression d’un regard d’âme paisible.
Voilà pourquoi le regard du disciple de Jésus n’est jamais complètement fermé ou aveuglé par le mal !
Voilà pourquoi le cœur du disciple de Jésus n’est jamais complètement submergé ou fermé par le désordre du péché !
Voilà pourquoi le sourire du disciple de Jésus n’est jamais complètement éteint !
Il faut demander cela en cette mi-Carême…
Et peut-être le demander à la Sainte Vierge, avec les mots si simples du Père de Grandmaison.
« Obtenez-moi un cœur simple,
qui ne savoure pas les tristesses,
un cœur magnifique à se donner,
tendre à la compassion,
un cœur grand et indomptable,
qu’aucune ingratitude ne ferme,
qu’aucune indifférence ne lasse ! »
1Ps LXVIII/LXIX, 22.