Afin que lorsque cela arrivera, vous vous souveniez que je vous l’ai dit.
Dans ce long discours après la Cène, le Christ achève de préparer ses Apôtres à son passage. Il y a une double portée à ce discours. Jésus console et prépare les Apôtres confrontés à 2 épreuves ; sa propre disparition, puis les persécutions qu’ils auront à endurer.
Le passage du Seigneur, sa disparition (du moins visible) s’effectuera en 2 temps :
Il disparaitra une première fois dans le sein de la terre, par la mort et l’ensevelissement.
Il disparaitra une deuxième fois dans le sein du Père, par son ascension dans le ciel.
Il faut se souvenir de ces paroles du Seigneur Jésus pour ne pas être scandalisé.
Ecoutons St Thomas ; « le scandale est une parole (ou un silence), une action (ou une omission) d’autrui exposant à la chute spirituelle dans la mesure ou cet autre, par ses conseils, ses suggestions ou son exemple, entraîne au péché ». Le scandale est comparable à l’arbre quand il tombe. Un grand fracas, l’arrachage d’une partie du sol emporté avec lui, les autres arbres qu’il entraine dans sa chute, qu’il brise. Le scandale est un mal qui en entraine un autre. Une certaine contagion.
Un des effets les plus subtils du péché sur nos âmes, c’est de voiler à nos yeux ce qu’est le scandale, ce « bruit du mal ». Le mal, nous voyons assez bien ce que c’est. Une privation de bien, d’autant plus grave que le bien est plus grand, plus essentiel. Le scandale, nous y sommes moins sensibles, je dirais. Arrachement imperceptible d’une âme, chute d’une âme à la suite d’une autre. Meurtre spirituel.
Et puis… la persécution.
Compagne, rencontre inévitable pour le disciple de Jésus ; il n’y a que la forme ou l’intensité qui change. Pas de délire de persécution, pas d’exageration dans l’âme chrétienne. Pas de naïveté non plus. Au nom de la santé publique, n’a-t-on pas suspendu arbitrairement une des activités les plus essentielles, je dirai les plus humaines? Le culte, la religion nous dépasse, certes… mais aussi il nous engage tout entier ; corps et esprit – sensibilité, intelligence et volonté – individu et société. Quelle que soit la cause, l’effet était là. Un empêchement de participer au culte public rendu à Dieu, de l’honorer comme il se doit. De s’associer au sacrifice parfait de Jésus, et de recevoir les sacrements qui font vivre nos âmes de la grâce.
Prier était bon. Continuons.
Agir, protester, intervenir de manière déterminée, responsable était bon aussi. Ce fut fait.
Râler en revanche servait de peu, sinon peut-être à mesurer notre faiblesse.
Et surtout, décrocher, se décourager était tentant. A quoi bon ? Le scandale était là, tout prêt peut-être. Tenir encore un discours chrétien entre soi, mais ne plus adhérer à Dieu dans la foi… Ne plus exercer cette vertu théologale. Ne plus aimer Dieu en acte, parce que c’était plus confortable ainsi, parce que c’était trop difficile de saisir une occasion de messe, de sacrement, de prière individuelle ou commune. Devenir tiède. Baisser la garde. Vivre comme si Dieu n’existait pas, ne comptait pas.
Reminiscamini… Se souvenir… de tout son cœur.
Oh oui, il est bon de se rappeler les paroles du Seigneur, ses avertissements sages, incroyablement précis, valables hier, aujourd’hui, demain. Il est bon de prendre pour soi les conseils de l’Epitre de ce jour. Vigilance. Perseverance dans la prière et la charité fraternelle, à l’image des Apôtres réunis autour de la Vierge Marie, entre l’ascension et la Pentecôte, entre la montée de Jésus au ciel et la descente du Saint Esprit. Vigilance de la prière.
« Au temps de la consolation spirituelle, faire provision pour le temps de désolation.
Au temps de désolation spirituelle, se conserver dans la patience ».
Tenir la main de Dieu, se rappeler sa grâce moins consolante, moins rayonnante. Toujours suffisante, toujours sanctifiante.
Il fallait se souvenir des paroles de Jésus, et aller au-delà de nos illusions à nos pauvretés. La vie spirituelle des apôtres est une leçon indépassable. « A l’heure de ma passion, durant cette nuit, vous serez tous scandalisés à mon sujet ». Nous avons enduré bien moins. Mais nous comprenons un peu mieux comme il est facile de céder au scandale, d’ajouter au mal de la persécution celui de notre séparation d’avec Dieu.
Introspection, découragement? Non, pas du tout. Mais occasion merveilleuse de redevenir amis de Dieu. L’ami de Dieu reçoit le saint Esprit, habitant dans l’âme au baptême, agissant dans l’âme à la confirmation. Recevant cette force d’en Haut, il est affermi en charité, en amitié surnaturelle avec Dieu. Alors seulement il peut tenir et même grandir dans la persécution.
Demandons avec confiance, avec humilité cette action du Saint Esprit, Père des pauvres.
Sous l’enveloppe des textes liturgiques, des signes sacrés, d’une bonne conversation, d’un bon exemple, Il vient parler à notre âme. Il l’éclaire, il la conduit à la verité toute entière. Il lui rappelle et lui souffle, mais comme du dedans, les paroles-mêmes du Seigneur.
Venez, Esprit Saint, amen.