Une qualité de la vie intérieure, intellectuelle ou spirituelle, c’est la possession des principes. Possession ferme, sereine, claire.
Dans la vie spirituelle, les principes sont ces verités essentielles garanties par l’autorité de Dieu Lui-même. En particulier la Trinité. La Trinité nous possède et nous dépasse.
La Trinité s’est fait connaître, de manière certaine.
Par la voix du Père au jour du baptême et de la Transfiguration de Jésus.
Par l’incarnation du Fils et ses confidences sur les 3 Personnes divines.
Par la descente du Saint Esprit sous apparence d’une colombe, d’une nuée lumineuse, de langues de feu.
Sans cela, nous pouvions connaître qu’il existe un Dieu auquel l’être contingent des choses est suspendu. Mais nous ne pouvions pas plus savoir où revendiquer de savoir qui Il est qu’un âne ne peut devenir un cheval1.
Alors Dieu vient nous parler de Lui. Dans l’Ecriture sainte, Il s’accommode à notre faiblesse2, il consent à employer un langage tout humain, pour familiariser notre intelligence avec les attributs divins, et l’élever ensuite comme par degré aux plus sublimes mystères.
De même les saints, les docteurs, les apôtres et les missionaires nous ont parlé de ce grand mystères avec de petites images. Si Saint Patrick revenait aujourd’hui, il tiendrait peut-être en main un handspinner et non un trèfle, comme très humble reflet du mystère de la Trinité.
Bien des erreurs sont possibles en chemin… Nier l’unité de Dieu, ou la Trinité des Personnes, leur différence, leur égalité, leur divinité.
L’Eglise a corrigé ces déviances sur le mystère trinitaire dès les premiers siècles. Elle continue de le faire notamment concernant l’Islam, négation de la Trinité, négation de la divinité de Jésus, négation de l’âme image et ressemblance de Dieu.
Voilà donc le grand mystère…
Exprimé et répété ensuite dans un signe de croix, un Gloria, un Credo.
Expliqué autant qu’il peut l’être dans le catéchisme et la prédication de l’Eglise.
Invoqué dans les prières de la liturgie ; le Suscipe sancta Trinitas, le Placeat de la fin de la Messe.
Voici à qui est offerte la Ste Messe.
Voici de qui nous recevons la bénédiction.
Voici la réalité infinie, éternelle, parfaite dont viennent toutes les autres, et où reviennent toutes les autres.
Car nous venons de la Trinité et nous sommes faits pour y retourner.
Et si la Trinité est un sujet complexe, difficile, ce n’est pas en elle-même, c’est de notre côté à nous. « De tous nos mystères, il n’en est pas où l’erreur soit plus aisée et plus dangereuse, ni où le travail soit plus difficile. Mais aussi, plus que tout autre, il est fécond en fruits de salut3».
C’est pourquoi nous apprenons aux enfants à faire le signe de la croix, en bien des répétitions hésitantes, approximatives, trompées parfois par l’effet de miroir. Nous leur disons le Nom aimé du Père, du Fils et du Saint Esprit, et déjà nous les plaçons à l’ombre de la Trinité. Comprendront-ils les précisions et les subtilités des relations subsistantes, des processions trinitaires et des appropriations ? Non. Mais ils sauront l’essentiel. Dans la nuit de Pâques, ils verront le célébrant asperger l’eau pascale aux 4 points cardinaux. Ils prendront et recevront l’eau bénite pour tracer sur eux ce signe. Et ils se sauront des petites enclaves de la Trinité, des membres de la grande famille de l’Eglise, rassemblée aux 4 coins du monde.
Ne méprisez pas ces enfants. La Trinité est simple, eux aussi. La Trinité est sérieuse et profonde, eux aussi. La Trinité est un abîme de joie, possession de bien divin surabondant, et leur joie d’enfant en est comme le miroir. La Trinité est vivante et divine, et ils vivent de la vie de Dieu par la grâce.
« Ils ne comprennent pas », dites-vous… Non. Et vous ? Non plus. Mais c’est bon d’avoir à dire aux enfants et à garder en nos cœurs des choses qui nous dépassent. Par le Nom de Jésus, qui est Dieu, ils entrent dans l’abîme de Dieu. Ce Nom leur inspire des actes de foi, d’esperance, d’amour très beaux. Et leur âme prend ainsi le premier envol vers le ciel de Dieu. Toutes nos paroles, tous nos mots sur la Trinité sont comme des vagues touchant et conduisant à ce mystère de Dieu, et s’arrêtant sur ce rivage d’infini4.
Quand l’âme est fixée dans la foi vive sur ce mystère, alors elle n’a plus qu’à être possédée et dépassée. Se taire, chanter, adorer, chercher et aimer. Une vie en forme de Gloria Patri… Ici bas en clair obscur, en attendant et esperant de le faire là-haut dans la lumière!
1Saint Thomas d’Aquin.
2St Augustin, de Trinitate.
3Idem.
4D’après Charles Journet, Entretiens sur la Trinité.