Au Nom du P et du F et du St E, ainsi soit-il,
MBCF et S,
Toute colère, tout tristesse est-elle bonne ?
Oui, toujours, dit Monsieur Jourdain : « il n’y a morale qui tienne, je me veux mettre en colère tout mon soûl ». Prétexte à bien des injustices et des violences.
Non, jamais, disent certains au nom de la joue gauche tendue quand on est frappé sur la joue droite. Peu leur importe que ce soit leur joue, ou celle d’un autre, d’ailleurs. J’entends par là, peu importe la justice… et l’offense, sa mesure, son nombre… et celui qui est offensé, et le bien remis en cause… peu importe l’honneur de Dieu, du Christ, de l’Eglise, le salut des âmes… peu importe l’exigence, et la possibilité merveilleuse du pardon et de la réparation.
Nous connaissons bien cela, nous qui sommes coincés entre 2 maux ;
- l’irénisme, fausse paix au prix de la verité et de la justice.
- Le liberalisme, abandon souriant des principes. La trahison joyeuse de l’Eglise, de la Patrie, de la famille et du mariage, du sacerdoce, de toutes les causes nobles auxquelles nous avons part.
Notre Seigneur voit le mal du péché, il en pleure, il s’en indigne et il réagit avec justice; c’est un fait.
Cette colère seule est sainte. Elle est le signe d’un amour vrai – assez miséricordieux pour être touché par la misère des pécheurs – assez juste pour ne pas être complice du péché, pour s’indigner du mal, pour réparer l’offense. Elle est vraie ; « Vous savez aussi ce que tout homme coûte/ Et que l’homme a coûté le sang même d’un Dieu », rappelle C. Péguy.
Le Christ regarde. Il pleure. Il s’indigne.
Il regarde Jerusalem, cité de Dieu. Dieu, en s’incarnant, partage notre regard sur le mal.
Il voit ce que Dieu a mis de bon dans la Jerusalem de l’Eglise, du pays, de nos âmes.
Et à côté de cela, il voit ce qui y est contraire ; endurcissement de pécheurs, structures de péché. Ce n’est pas seulement l’endurcissement de l’Israel d’hier que Jésus déplore, c’est celui de l’Israel nouveau, l’Eglise.
Et alors le Christ pleure. Videns… flevit. Nobles larmes, celles-ci ! Dieu en s’incarnant verse sur le mystère du mal, d’abord des larmes puis du sang.
Il pleure sur un mal précis; la haine, le rejet de la verité suffisament connue. Le refus déliberé de la créature face au Créateur, le mépris des inspirations divines. Le désespoir volontaire, consenti contre la miséricorde de Dieu, sa bonté, sa Providence. Le murmure contre sa sagesse, la mise à l’épreuve de sa Toute Puissance.
Il pleure sur l’offense infligée à Dieu. Et sur la juste peine meritée par une telle offense.
Il voit le siège de Jerusalem, la destruction du Temple. Il prophétise avec précision la sanction de l’infidélité d’Israel. Tout cela s’accomplira sous le general Titus en l’an 70.
Pour l’âme installée dans le péché, vaincue et résignée jusqu’à pactiser avec ce plus grand mal… Jésus voit la perte de la présence de Dieu, l’aveuglement de l’esprit, l’endurcissement du coeur, les peines éternelles. «Combien de fois… combien de fois j’ai voulu vous rassembler comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu!»
Il nous faut regarder ce mystère du mal. Sans curiosité malsaine, sans fascination ou délectation, celle des prophètes de malheur et des pessimistes confortables qui ne tentent plus aucun bien. Mais avec la lucidité de la foi, en partageant le regard de Jésus, le regard de Dieu. Pleurer de cœur. Ne pas consentir au mal.
Voir. Il y a une lucidité chrétienne sur les êtres, les choses, les évènements. Lucidité bienveillante, zèle sans dureté et amertume envers les personnes. Lucidité ferme et vraie sur les principes. Le jugement du chrétien conserve intact le sens de Dieu et le sens du péché.
Pleurer. Cela désigne l’esprit de prière et de pénitence. Nobles larmes, larmes intérieures qui prolongent celles du Christ! « Vous avez posé mes larmes devant Vous, Seigneur » (Psaumes) « Bienheureux ceux qui pleurent [ainsi] car ils seront consolés ». (Matt, V, 4).
Réagir au mal, ne pas s’y habituer, ne pas s’y installer. La multiplication, la répétition du mal, des offenses envers le Bon Dieu et le prochain nous effraye parfois. Il y a quelquechose de pire, c’est de s’y habituer, d’y consentir. Le chrétien ne peut être indifférent aux maux de son temps, ceux de l’Eglise, ceux de sa Patrie : progressisme effrayant – abus liturgiques violant la sainteté de l’Eglise et du culte public dû à Dieu – dégringolades morales – relativisme – contre exemples, scandales, structures de péché, institutions et lois publiques qui changent en délit ce qui est bien, et en droit ce qui est mal.
Indignation et résistance au mal du péché, oui. Ferme, paisible, car appuyée sur la charité. Et charité bien ordonnée… commençant par soi-même.
On ne pactise pas avec le péché, qui fait de l’âme baptisée un repaire de brigands.
Il faut alors reprendre, devant Dieu et dans la prière, les solides maximes et prières chrétiennes:
Ne jamais s’enfler d’orgueil et provoquer votre indignation.
Toujours vous demeurer humblement fidèles,
et recevoir ainsi les dons de votre grâce.
Ne pas être vaincu par le mal, mais triompher du mal par le bien !