Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il,
Qui êtes-vous, âmes du purgatoire ?
Nous poursuivons avec la liturgie de ces jours notre exploration topographique de l’au-delà.
Hier le ciel s’est entrouvert, aujourd’hui, nous regardons son antichambre; le purgatoire.
La révélation, message adressé aux hommes et garanti par l’autorité de Dieu-même, évoque le purgatoire;
« Car Vous nous avez éprouvés, ô Dieu! Vous nous avez fait passer au creuset comme l’argent (…)
Nous avons passé par le feu et par l’eau. Mais Vous nous en avez tirés pour nous donner l’abondance.1»
« C’est une pensée pieuse et bonne de prier pour les morts, afin qu’ils soient pleinement déliés de leurs péchés 2».
« Si l’ouvrage de quelqu’un vient à etre consume, il en eprouvera une perte, mais lui-meme il sera sauve, toutefois comme à travers le feu3 ».
« Que l’épreuve de votre foi soit plus précieuse que l’or qui est éprouvé par le feu 4».
La tradition de l’Eglise l’affirme également.
St Grégoire le Grand nous dit ; « Celui qui est la Vérité dit que si quelqu’un a commis le péché contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle futur (Mt 12,31). Dans cette sentence nous pouvons comprendre que certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci, mais certaines autres dans le siècle futur5 ».
Les conciles précisent ; « Nous déclarons que les âmes des véritables Pénitents, morts dans la charité de Dieu, avant que d’avoir fait de dignes fruits de pénitence pour expier leurs péchés de commission ou d’omission, sont purifiés après leur mort par les peines du Purgatoire, et qu’elles sont soulagées de ces peines par les suffrages des Fidèles vivants, comme sont le Sacrifice de la Messe, les prières, les aumônes et les autres œuvres de piété, que les Fidèles font pour les autres Fidèles, suivant les règles de l’Eglise.6»
Et le Catéchisme de l’Eglise Catholique; Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel. (CEC, 1030-1031).
Et puis le Bon Dieu a voulu donner des lumières particulières à certaines âmes, sur le Purgatoire. Ste Eugénie Smets, et avant elle, Ste Catherine de Gênes. Voilà de bonnes lectures, de bonnes rencontres de confinement !
Les âmes du purgatoire sont incapables de commettre un péché, incapables de faire un acte meritoire. Alors elles sont contentes. Contentes d’être là où la volonté divine les veut, contentes de recevoir la purification nécessaire à leur entrée en béatitude.
Ste Catherine décrit le purgatoire comme un dérouillage.L’âme n’a pas en elle une mauvaise disposition de péché, car elle a regretté et laissé cela avant de quitter la terre. Mais il est en elle une certaine rouille spirituelle; un certain manque de perfection. D’où l’image de la rouille, des scories que le feu du purgatoire fait progressivement disparaître.
Il y a une certaine intensité de souffrance égale au purgatoire. Ce qui change, c’est la durée. Le temps du purgatoire, son « horloge » nous est cachée. Ce n’est plus notre temps successif de la terre. Mais on peut au moins dire 2 choses; ce temps a une fin, et il est très long.
Ce temps a une fin, car la purification achevée, l’âme verra Dieu. C’est une certitude, une joie, une confiance solide. Ce temps est très long, car l’âme est encore privée de la vision de Dieu.
Il y a entre les âmes du Purgatoire et les damnés une ressemblance et une différence.
Ressemblance ; elles sont privées de Dieu, elles endurent une peine proportionnée à leur état.
Différence ; ce n’est pas seulement « l’adresse » qui change… Il n’y a pas d’obstacle inamovible entre l’âme du purgatoire et Dieu, comme chez les damnés. Mais un retard. Comprenons par comparaison; lorsque le rendez-vous avec un être aimé est assuré, le temps qui nous en sépare est long, car c’est une certaine privation qu’on ne peut que recevoir et non raccourcir.
Voilà le genre de peine du purgatoire; peine « si extrême qu’il n’est aucune langue qui puisse l’exprimer ni aucune intelligence qui puisse en saisir la moindre étincelle si Dieu ne la lui découvre par une grâce toute spéciale. (…) Tout ce qu’il peut y avoir de bon dans les créatures n’existe que par la communication que Dieu en fait. (…) A la créature raisonnable, à l’âme, il correspond plus ou moins dans la mesure où il la trouve purifiée de l’empêchement du péché. Existe-t-il une âme qui revienne à la première pureté de sa création, l’instinct du bonheur se découvre en elle et s’accroît aussitôt avec une telle véhémence, une telle ardeur de charité l’entraînant vers sa fin dernière, que c’est pour elle chose insupportable d’en être écartée. Plus elle en a la conscience, plus extrême est son tourment.»
Conclusions pratiques, avec St Thomas d’Aquin.
- nous sommes dans le temps du pardon, de la rémission des péchés, de la satisfaction et de la réparation, de la ferveur. Rendons grâce à Dieu, ne perdons pas volontairement ce temps. La grâce du pardon divin est offerte au présent de l’indicatif, pas au conditionnel futur.
- En acceptant et accomplissant avec amour et patience cette peine de plein gré, nous satisfaisons à Dieu. Nous rentrons dans l’ordre quitté pour accomplir notre volonté propre. Œuvre satisfactoire… C’est faire le purgatoire sur terre, et cela donne un sens aux peines courantes ou extraordinaires de notre état. C’est l’occasion de croître en charité.
- Si nous ne l’accomplissons pas entièrement en cette vie, alors elle nous sera infligée. Œuvre purgatoire. Satispassion que les âmes du purgatoire subissent.
- Enfin, en vertu de la communion des saints, la messe, la prière, la pénitence, les œuvres indulgenciées nous permettent d’accélerer l’entrée des âmes du purgatoire au ciel. Elles nous sont des alliées, des intercesseurs auprès de Dieu.
Elles ne peuvent rien pour elles,
nous pouvons quelquechose pour elles,
et elles peuvent quelquechose pour nous.
Cette merveilleuse entraide, cette interdépendance, c’est la Communion des saints, que nous pouvons vivre en particulier en ce mois de novembre.
Que par la miséricorde de Dieu
les âmes des fidèles défunts reposent en paix !
1Psaume 66.
2II Macc, XI.
3I Cor III, 15.
4I Pierre, I, 7.
5St Grégoire le Grand, Dialogues, 4, 39.
6Concile de Florence, X° session, 1439. cf aussi Concile de Trente, Session VI et XXV.