Quand le confinement se fait sentir… St Joseph, fort, patient, perseverant.
L’un de vous me disait ces jours-ci sa préoccupation devant la situation de la France, et son inquietude concernant l’avenir ; « Quel futur vais-je montrer à mes enfants ? »
Je voudrais d’abord souligner la légitimité de cette confidence.
Légitime parce que l’homme droit, vertueux, n’est pas insensible. Pas de volontarisme, pas de pudeur mal placée. Pas de sentimentalisme non plus. La maitrise de soi n’exclue pas une juste indignation devant le mal. Elle est un signe de bonne santé spirituelle.
Légitime aussi parce que l’esperance, la bienveillance, le bon esprit s’accompagne aussi de verité et de lucidité. Or la verité peut faire souffrir, elle peut être dure. Et je partage le constat qu’il faisait.
Alors que faire ?
Le propre de l’âme masculine, virile, est de conquérir, ou de défendre un royaume (John Eldredge, Indomptable) ; Ce royaume se décline en cercles concentriques, selon l’ordre de la volonté divine, le devoir d’état ; royaume de la famille, de l’Eglise, du pays, de la corporation professionnelle, des corps intermédiaires dans la société civile.
D’autre part, la maison de l’homme, c’est le monde – par distinction de la femme ; son monde est la maison (formule à bien comprendre et à ne pas forcer, bien sûr).
Devant les affaiblissements ou les ruines – matérielles, morales, spirituelles, plusieurs réactions sont possibles ;
- « Cultivons notre jardin », comme le Candide de Voltaire. Ne plus rien chercher, ne plus s’investir, ne plus s’engager en-dehors de ce premier cercle de la famille, éventuellement du métier. Oh, on continue de bien faire, mais sans joie. Ou avec amertume et raideur.
- « A quoi bon ? » Par lassitude, par désillusion, par sentiment d’échec et d’impuissance devant le mal, se replier totalement sur soi, se laisser aller. Mon démon à moi s’appelle « A quoi bon », disait déjà finement Bernanos. La tentation de se regarder trop et mal, de « savourer les tristesses ».
- Compensation. Les frustrations, les échecs, les espoirs (souvent légitimes) déçus poussent à la compensation. Certaines sont légitimes. La maturité spirituelle implique de connaître et d’assumer avec justesse le tempérament, les besoins, les limites. La prudence, la temperance y invitent. Cependant, l’orgueil de la chair, des yeux, de la vie est une blessure bien réelle en nous, après le péché originel. Cela peut amener la recherche de compensations désordonnées, dangereuses pour l’âme et le corps. Des dérivatifs, des « revanches » aux échecs essuyés dans domaine conjugal, familial, professionnel, national, ecclesial. Personne ne devient mauvais d’un seul coup. Et les petits lâchetés, les défaites consenties aujourd’hui sont les mauvaises habitudes enracinées de demain.
Regardons et suivons St Joseph. Le maître spirituel qu’est St Ignace lui a consacré un des exercices spirituels ; les tribulations de la Sainte Famille (voir le petit guide pratique ci-joint).
St Joseph a du affronter des imprévus, des incertitudes, des doutes. Concrètement, lesquels ?
- Dans la vie conjugale. Il y a un vrai projet de mariage décidé et réalisé entre lui et Notre Dame. Il y a un temps de décalage, non de désaccord, entre la Ste Vierge et lui, entre l’annonce à Marie, la conception miraculeuse – et l’annonce à Joseph, la confirmation et la conclusion du mariage.
- Dans la vie de famille. Un enfant attendu sur les routes, dans le dénuement, une naissance dans des conditions de fortune, une menace de mort sur l’enfant. Une fuite précipitée à l’étranger, une survie en terre étrangère. Le souci du gagne pain loin du lieu de travail, de l’échoppe de Nazareth. Ce qui provoque une adaptation nécessaire, dans la magnanimité (courage, grandeur d’âme), la souplesse (bien faire, autrement). C’est tout cela, la vie de Saint Joseph.
- Dans la vie professionnelle. Bouleversements de lieu, de condition de travail, harmonisation entre une légitime ambition et des projets d’une part – et la priorité donnée à la vie de famille, la garde et l’entraide de son épouse, la sécurité physique, affective, morale, spirituelle de l’enfant. L’unité du foyer à sauvegarder dans la variété des circonstances.
- Dans la vie de son pays. Alternance de lois justes et injustes, avec le nécessaire discernement que cela impose, entre obéissance et résistance. Décisions relevant tantôt d’une juste autorité, tantôt d’un pouvoir arbitraire. Humiliation de son pays soumis à une domination étrangère.
- Dans la vie religieuse. Déception ou défection des élites. Autorité morale sans cohérence. Vaines querelles entre les puissants et les décideurs.
Le message de St Joseph. Soulève le rocher, alors tu pourras boire1.
Soulève le rocher.
Dieu veut mon salut, ma sainteté, mais pas sans moi. Alors, au fait…
Quel est ce rocher, ce caillou, ce poids lourd dans mon âme d’homme ?
- Quels peuvent être les leviers pour le soulever, l’enlever ? (moyens humains et spirituels).
- Comment garder et cultiver ma force au service du bien? Comment ne pas la gaspiller?
- Comment rester constructif? Pratique d’un art martial, ou d’un effort physique régulier – projet professionnel, associatif à construire ou à suivre – chantier matériel ou intellectuel à entreprendre (maison, jardin, extérieur, paroisse, association) – prière (au minimum matin et soir) – appui sur la prière conjugale et familiale, simple et brève, mais régulière.
- Ce contrepoids permet aussi de se fixer une règle, une mesure sur l’utilisation et la consommation d’Internet, réseaux sociaux, écrans connectés, films, séries et jeux vidéos… sans parler du reste. Ce qui évite les sources du désespoir (« Dieu ne m’aide pas… Ca ne marche pas… Je n’y arrive pas… Tout va mal... ») et fait gagner un temps considerable de lecture, prière, aide et dévouement, activités saines de travail, détente, loisir, repos.
- Parler, et écouter. Le syndrôme de l’ours dans la grotte est courant, surtout en période difficile. Garder ou reprendre le temps d’une bonne conversation, posée ou en marchant. Prendre en compte les conseils, les avis, les encouragements bienveillants. Y revenir après coup (surtout s’ils étaient durs à entendre sur le moment!). S’intéresser aux réussites, aux progrès de son entourage (même minimes, pourvu qu’ils soient vrais). Les souligner, les dire, les encourager (la parole de l’homme, de l’époux, du père redonne confiance; voilà la valeur de la mienne!). Ce qui fait « sortir de soi » aide à ne pas se replier sur soi (nous sommes, assez habituellement, égocentrés).
- Cultiver les amitiés et l’entraide entre hommes, époux, pères de famille. Dans une société non seulement déchristianisée mais dévirilisée, cela aide considerablement. Effort, loisir, détente commune sont bienvenus et salutaires. Quand le roi Salomon broie du noir, David le déride par sa conversation, son chant, sa musique. On peut toujours être le Salomon (ou le David) de quelqu’un…
Alors tu pourras boire.
Ne pas oublier la grâce, et les sources de la grâce dans ma vie intérieure.
Sans cette eau vive, sans la grâce du saint Esprit, je ne peux rien faire.
Au contraire, je puis tout en celui qui me fortifie.
Je fais le point concret sur ma prière, ma vie sacramentelle (fréquence, qualité), sur les grâces et les bonnes inspirations reçues, les conseils et encouragements à prendre et à suivre.
guide-pratique-de-meditation-1Il boira en chemin de l’eau du torrent, à cause de cela il redressera la tête! (Ps 110, 7).
1 Le 7 juin 1660, dans le Var, à Cotignac. Le pays est brûlé de chaleur. Sécheresse des rivières, soif des bêtes et des gens. Sur le plateau du Bessillon, un jeune berger épuisé et assoiffé cherche à boire. Mais où trouver de l’eau ? Dans cette solitude, St Joseph lui apparaît et lui ordonne de soulever un rocher pour y trouver une source. Gaspard Ricard hésite, mais, encouragé par le Saint, il semet à l’ouvrage. Une source miraculeuse jaillit, encore visible aujourd’hui ; la Font Saint Joseph de Bessillon.