Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Car le Seigneur est proche.
Ou pour le dire autrement, avec les saints; Vive Jésus1 et Vive la joie quand même2!
Le sentiment de joie découle de l’amour. Où il y a de l’amour, il y a de la joie.
De la joie jaillit ensuite le chant. Spontanément, la joie passe du cœur aux lèvres, à la voix. Cette vibration de l’âme entraine celle de la voix. Entendez le jubilus, cette longue mélodie de l’Alleluia… autrefois cri de joie inarticulé des hommes travaillant aux champs. Tout chrétien est cet homme, ce laboureur. Il travaille au champs de la vie intérieure, de son âme et des âmes. Dans la foi, il cherche et trouve sans cesse le trésor, Dieu. Il découvre, émerveillé, que Dieu nous cherche, sans cesse, avec obstination et douceur; du lendemain de péché originel à l’Incarnation, et aujourd’hui encore… «Adam, où es-tu3?… Moi, je suis ton protecteur, ta récompense grande et sans mesure4… Emmanuel, Dieu avec nous5… Je suis venu chercher et sauver ce qui avait péri6… Voici, je me tiens à la porte et je frappe, et si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai et je me mettrai à table avec lui7».
La joie de l’Avent est une joie d’esperance.
Ce bien infini, cette bonté divine existe … Elle veut se communiquer. Il est possible de la recevoir. Difficile mais possible. La joie chrétienne est un entre 2; pas encore, et déjà. On ne possède pas encore pleinement Dieu, comme les saints du ciel, face à face. Mais déjà on l’a reçu, déjà Il vient, Il revient, Il visite sans cesse les âmes de mille manières, intérieurement et extérieurement.
La joie chrétienne est comme un fleuve. Sa source, son océan, c’est la Trinité.
Ce fleuve vient déborder, remplir, creuser la terre de notre existence terrestre, même les durs rochers ou les trous de la souffrance, de l’épreuve.
Le péché-même, barrage à la joie divine, peut en décupler la force. Toutes nos misères d’homme, ces répétitions, ces récidives, ces résistances à l’amour de Dieu, peuvent être vaincues, pulverisées par sa miséricorde, si nous regrettons, revenons, et décidons de ne pas retomber. Nos misères sont des abîmes, mais elles attirent l’abîme, le fleuve des miséricordes divines.
L’Eglise a reçu et transmet le secret de cette vraie joie, durable. Semper.
C’est pourquoi elle chante. Elle enseigne la verité, célèbre le Dieu unique en 3 Personnes, lui rend un culte dans la liturgie. Elle enseigne ses commandements, rappelle les exigences de la verité suffisamment connue et proposée. Elle dénonce le mensonge, le mal, le scandale, les contrefaçons de la joie. Et puis, elle chante. La liturgie, spécialement le chant grégorien, c’est son chant ininterrompu.
L’Eglise chante parce qu’elle est en joie. Et elle est en joie parce qu’elle se sait aimée, et qu’elle aime.
Elle nous offre ainsi une beauté rédemptrice. La joie chrétienne est un beau tapage nocturne. Car même dans la nuit, il est toujours possible de veiller et chanter. l’obscurité n’éteint pas la vraie lumière de Dieu. La lumière a lui dans les ténèbres, les ténèbres ne l’ont pas saisie.
Si le chant accompagne la liturgie, ce chant spirituel se prolonge, il se déploie ensuite dans toute la vie, dans les activités de chaque instant, de chaque jour. Tantôt fleuve souterrain que l’on devine à peine, tantôt cascade sonore et éclaboussante.
Le chant joyeux de l’Eglise est un plaisir que l’on prend ou que l’on donne. Il est encore un devoir. Mais pas seulement ; c’est un besoin. Une expression de l’amour de Dieu envers nous, de nous envers Lui.
Ce n’est pas le privilège d’un petit nombre. Bien sûr, l’exercice requiert du temps, de l’effort, de la répétition. Avec plus ou moins de talents, d’apprentissage.
Mais en fait, c’est plus qu’un exercice, c’est tout sauf une compétition. C’est un entrainement mutuel. Comme la bonté divine tend à se donner, à se communiquer, cette joie est contagieuse. Et son expression, sa vibration se fait dans et par le chant. Pensez au petit David secouant par sa musique les sombres pensées du grand Saul. On est tous le petit David, ou le grand Saul de quelqu’un.
Oui, le chant est donc signe et cause de joie. Le chant sacré est signe et cause de joie divine. Il est intérieur et extérieur. La joie chrétienne qu’il montre et entretient est féconde. Elle est belle. Elle sauve du monde qui passe. Elle guérit du poison de tristesse, de désenchantement, d’amertume et d’agitation
Vive Jésus, source et cause de notre joie. Par son incarnation, son irruption dans le monde. Par son motif, ce qui le pousse à venir; la miséricorde divine infinie.
Vive la joie quand même, toujours, parce que toujours Dieu en est la source intarissable, l’océan immense.
«Moi, je suis ton Dieu, ta récompense grande et sans mesure…
Dieu avec vous, l’Emmanuel…
Voici, je viens bientôt»
1St François de Sales.
2St Théophane Venard.
3Genèse, III, 9.
4Genèse XV, 1.
5Isaïe, VII, 14.
6Luc XIX, 10.
7Apocalypse, III, 20.