Mes biens chers frères et sœurs
On peut voir au Louvre un tableau de Paul Veronèse, peint en 1563. Tableau exuberant et monumental de ce repas des noces, du miracle de Cana en Galilée…
Tout y a rendez-vous de ce que le Créateur a fait de visible, a vu, a jugé bon, a admiré. Les réjouissances de la table, de la compagnie… aujourd’hui on dirait les interactions sociales! Les distances sociales quant à elles y sont fort peu respectées!
On y voit la beauté de la nature d’en haut et d’en bas, le règne minéral, végétal, animal, humain… le règne purement spirituel n’est pas difficile à deviner, car où est le Christ Roi des anges, les serviteurs et adorateurs invisibles, nos gardiens, ne sont pas loin.
Au centre, le Christ, Verbe Incarné. A côté de Lui, la Mère de Jésus.
A droite au premier plan, les serviteurs distribuant l’eau changée en vin meilleur.
Mais un personnage attire notre attention. Le trinciante, l’écuyer trancheur. Curieuse place pour ce personnage, qui coupe et tranche les viandes. Il est au centre, sur la terrasse en hauteur, juste au-dessus du Seigneur. La violence de son ouvrage en plein milieu du banquet et du tableau étonne, elle choque. Elle dit quelque chose, pourtant. C’est un signal, un signal presque confidentiel. Un signal fort et fiable.
Celui qui s’associe à la noce, au mariage, en confirme la bonté, et même l’améliore encore. Comme tout ce qui est visité, touché par Dieu dans l’Incarnation, le mariage a été institué, créé admirablement. Il a été restauré plus admirablement encore, élevé même.
Désormais, tout mariage, toute union sacramentelle est à nos yeux d’homme le reflet sacré d’une autre union, meilleure. Celle de Dieu et de l’âme. Celle de l’humanité avec la divinité, dans la Personne de Jésus. Celle du Christ et de son Eglise. Une alliance.
Mais il y a plus. Car celui qui dans le tableau se tient sous les trincianti n’est autre que l’Agneau de Dieu.
Cana est le premier des signes conduisant à la Croix. Mon heure n’est pas encore venue, dit le Seigneur. Mais cette heure est déjà anticipée, marquée, annoncée au festin de Cana.
Car un jour, une autre besogne plus violente sera faite. D’autres exécuteurs, bourreaux et non bouchers, sacrifieront et frapperont du fer une autre victime. « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde ».
Par cette sobre et majestueuse désignation, St Jean Baptiste nous a présenté d’un coup le mystère de Jésus, le Rédempteur. Le vin meilleur des noces n’est autre que l’annonce de son sang versé.
Et maintenant, qu’en retirer ?
D’abord, un souhait. Ce dimanche est la fête des époux et des parents. Saint François de Sales rappelle que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement. Cana en est possiblement le moment. Bonne fête donc, chers époux et parents, et même chers fiancés! C’est tout de même mieux que la St Valentin, car il y a un paradoxe à fêter le mariage et la famille un jour de saint prêtre martyr…
Secondement, votre sainteté dans le mariage n’est pas un rêve, encore moins une illusion perdue de célibataire, dissipée à l’épreuve de la vie conjugale et familiale. C’est encore moins une copie forcée, une contrefaçon de la vie de prêtre ou de religieuse ajoutée du dehors à votre état de vie. C’est une pensée, un désir de jeunesse réalisé jusque dans l’âge mûr.
On se marie pour être un saint. Pas tout seul. Avec et par les autres ; par son conjoint, par ses enfants, avec eux.
On se sanctifie dans le mariage, pas à côté, quand c’est la volonté de Dieu sur nous!
Le célibat sacerdotal lui-même, ce n’est pas une fuite de la vie, une lâcheté arrosée d’eau bénite, une horreur du mariage et de la famille. Comment d’ailleurs haïr ce d’où l’on vient ?
C’est un renoncement. Acte libre, décision mûre consentie et renouvelée sans contrainte et sans peur, avec la grâce de Dieu qui appelle.
Ensuite c’est un renoncement à un bien, en vue d’un bien meilleur ; la conformité au Christ Prêtre, à son sacrifice. Je loue le mariage, et je ne le déprécie pas en louant d’avantage la consécration sacerdotale ou religieuse, à la suite de St Augustin et de la meilleure Tradition !
Enfin, ce sont 2 fidélités qui s’appuyent et s’entraident au chemin de la vie éternelle. Ce sont 2 états qui s’admirent et s’affermissent mutuellement, dans l’unité de l’Eglise et sa riche diversité. Joseph Sarto tout juste sacré évêque montrait son anneau épiscopal à sa mère ; « Maman, regarde le bel anneau d’évêque que j’ai reçu », dit le futur St Pie X. Et sa mère de montrer son alliance de mariage ; «Mon fils, tu ne porterais pas celui-là si je n’avais pas d’abord porté celui-ci».
Ensuite, une leçon.
La crèche et la croix ont touché, atteint, restauré tout ce qui tenait à notre nature. Donc, le mariage, union unique et indissoluble de l’homme et de la femme, pierre d’angle d’une famille, lieu d’accueil de la vie humaine. Mariage, procréation, sexualité, ouverture à la vie, éducation, transmission sont séparés, opposés par le Diviseur et ses sbires. Ils sont sauvés, sanctifiés, réunis par le Sauveur. Le mariage est saint en son tout. Le sacrement entoure, encercle cette forme d’amour conjugal et parental comme l’alliance encercle le doigt des jeunes époux.
C’est une petite église domestique. Vos familles sont des fortins. Le monde est le théâtre d’un grand jeu, un affrontement à côté duquel celui des scouts est un amusement.
Vos familles sont des écoles. Premières écoles de vertu, de sainteté, de prière.
Des cellules d’évangélisation. On s’y entraide, on s’y entraine dans la foi, l’esperance, la charité. Cela rayonne entre époux, entre parents et enfants… Mais aussi au-delà. La fidélité des foyers chrétiens que le temps a, non érosé mais éprouvé, c’est un signe qui parle, qui parle bien. Doucement, mais sûrement. C’est un encouragement pour les jeunes qui répondent à la volonté de Dieu dans cette voie de sainteté. Cela donne confiance! Cette fidélité, lucide, patiente, appuyée sur la miséricorde divine, permet d’assumer la peur de l’engagement ou de l’avenir.
Enfin le Seigneur est proche des époux, au milieu d’eux, hier et aujourd’hui. Proximité physique et sensible à Cana. Proximité surnaturelle et invisible, partout et toujours! Notamment par la grâce actuelle, la grâce d’état, cette actualité, cette permanence du sacrement dans le temps long du mariage et de la famille. Présence et assistance 24h/24, 7 jours sur 7! Dans les saisons du mariage, ses étés et ses automnes, dans ses Cana et ses Golgotha, dans ses succès mais aussi ses épreuves, Dieu reste avec vous. Et Dieu fait tout servir au bien de ceux qu’ Il aime, de ceux qui l’aiment.
Et les plus grandes joies du mariage se cueillent au pied de la croix, dure et féconde. Mais n’est-ce pas sous ce signe qu’un jour vous avez échangé votre oui, et qu’il a été béni par le prêtre?