MBCF,
Je voudrais vous parler du Seigneur.
Des actes du Seigneur.
Des sacrements.
De la foi, et du manque de foi.
Et du centurion pour finir.
Seigneur…
Que de fois nous appelons Dieu par ce nom, dans l’Evangile, la liturgie ou la prière personnelle ! Qu’est-ce qu’on y entend ? Ce titre exprime la foi et l’adoration, le respect et la confiance, l’amour et l’affection1.
La foi du centurion dans la divinité de Jésus, qui conduit à l’adoration. «Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri».
Le respect et la confiance du lépreux pour s’approcher de Lui, demander secours et guérison. «Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier».
L’amour et l’affection des disciples devant le Ressuscité vainqueur ; « Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jn 20,28). « C’est le Seigneur!«
Nous pouvons reprendre ces prières d’humilité et de louange des disciples en présence du même Jésus, présent et caché sous le voile de l’hostie, à la consécration et avant la communion. «A ta Cène mystique fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu. Car (…) je ne te donnerai pas le baiser de Judas. Mais comme le larron je te crie; «Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton Royaume ! 2», disent nos frères d’Orient avant de communier.
Mais il faut encore s’arrêter aux actes du Seigneur.
Pour le lépreux, il y a un contact, un signe sensible et une parole. Jésus le toucha et dit; je le veux, sois purifié.
Pour le serviteur du centurion, une parole seulement. Dites seulement une parole… Va et qu’il te soit fait selon ta foi.
Les sacrements de l’Eglise sont des actes, des actes du Christ.
Il est toujours l’agent principal dans chaque sacrement célébré. Chaque baptême, chaque absolution, chaque consécration, chaque confirmation… A chaque sacrement donc, une vertu, une grâce sort de la sainte Humanité de Jésus pour atteindre une âme, pour la purifier ou la sanctifier, pour donner la justification ou le mérite. Pour faire naître à la vie divine, guérir ou rendre cette vie divine, la nourrir, la fortifier!
« Va te montrer au prêtre »… Le ministre est son instrument, son médiateur.
Cet Evangile montre la proximité du Christ, la puissance du Christ continuée dans les sacrements. Il y a, selon le temps et l’espace, une distance entre le Christ et nous. Comme entre le Christ et le serviteur malade.
Par la foi et les sacrements, médiations de la foi, le Christ franchit la distance, il rejoint les âmes, nos âmes.
Il y a un signe sensible, à voir, toucher, entendre… eau versé sur le baptisé… accusation des fautes … pain et vin de la messe… imposition et onction du Saint Chrême… Il y a les paroles déterminées par le Christ Lui-même, prononcées par le ministre in persona Christi, en la Personne du Christ; «Je te baptise au Nom du Père, du Fils, du Saint Esprit… Je te pardonne tous tes péchés … Je te marque du signe de la croix et te confirme avec le chrême du salut… Ceci est mon Corps, Ceci est mon Sang»
L’effet, la vertu, l’efficacité est surnaturelle. Il y a un toucher, un contact spirituel de l’Humanité de Jésus avec nos âmes.
Au seuil des sacrements, Dieu fait don de la foi, commencement du salut. Et Jésus va même admirer cela, cette foi du centurion, ce «garde à vous» non pas extérieur mais intérieur dans la lumière de la foi, cette entière disposition à adhérer, à croire d’un coup et sans hésitation au mystère du Christ, à sa puissance de salut.
Au pays de Capharnaüm, Jésus ne fait pas beaucoup de miracles. Pourquoi? A cause de la dureté de cœur, ce refus déliberé de croire la verité quand elle a été suffisament proposée, entourée de signes et de miracles. Terminant sa tournée de mission et de prédication, Il prononce sur le bord du lac des malédictions: «Malheur à vous, Corozaïn, Bethsaïde, Capharnaüm…» (Luc X, 10-16). Saisissante invective à l’ingratitude de l’âme comblée, l’incrédulité de l’âme réfractaire et endurcie.
Plus tard, Jésus reprochera encore aux apôtres leur hésitation dans la foi. «Thomas, ne sois plus incrédule mais croyant… Coeurs lents à croire… cœurs durs... » (Jean XX, 27- Luc XXIV, 25 – Marc XVI, 14). Et Notre Seigneur n’a pourtant pas le « reproche facile« !
Le manque de foi, voilà ce qui attriste Jésus, voilà le reproche de Jésus.
L’intensité de la foi, voilà ce qui réjouit Jésus, voilà l’admiration de Jésus.
Au fond l’attitude du centurion c’est pour nous.
«Celui qui n’a pas vu le Fils de Dieu tout rayonnant de gloire, il est heureux si quand même il a cru3», chantait Ste Thérèse de l’Enfant Jésus.
Même à distance, ô Christ, Vous pouvez me sauver, me purifier, me sanctifier. Surnaturellement. Notamment par vos sacrements.
C’est la raison des rites sobres et majestueux qui entourent ces signes sacrés, salutaires, ces «choses saintes». Gaspillage, ritualité? Peut-être, mais à bon escient. Ou plutôt, révérence, affection incarnée de l’Eglise pour ces dons de son Sauveur.
C’est la raison pour nous de bien les préparer intérieurement et extérieurement, les célébrer, les faire fructifier. Et de garder une âme de centurion, toujours!
1Cf CEC 448.
2Rite byzantin ou Divine Liturgie de St Jean Chrysostome, prière avant la communion.
3Poèmes spirituels, in Oeuvres complètes.