«Mon Dieu, quelle guerre cruelle ! Je trouve deux hommes en moi. (…)
Hélas ! en guerre avec moi-même, Où pourrai-je trouver la paix ?1»
Mes bien chers frères et sœurs,
Toute parabole évangélique est l’enveloppe d’une verité cachée2, dit Origène.
Si nous solennisons la Présentation de Jésus au temple, nous pouvons néanmoins lire et méditer l’évangile du dimanche de Sexagésime; le bon grain tombé au bord du chemin, dans les pierres, dans les épines et les ronces, dans la bonne terre. Nous pouvons le croiser avec l’image du combat spirituel chez St Paul; combat de l’un, l’homme nouveau – avec l’autre, le vieil homme. 2 penchants, 2 vouloirs antagonistes.
« L’autre à tes volontés rebelle/ Me révolte contre ta loi ».
Bord du chemin, coeur où la grâce reçue est piétinée, dérobée par le démon.
« L’autre par son poids funeste/ Me tient vers la terre penché ».
Epines et ronces, cœur où la grâce reçue est étouffée par le souci excessif ; jouir, posséder, dominer, plaire à tout prix.
« Je veux, et n’accomplis jamais. Je veux, mais, ô misère extrême !
Je ne fais pas le bien que j’aime, Et je fais le mal que je hais ».
Coeurs de pierres, où la grâce reçue ne peut s’enraciner, et se déssèche.
« O grâce, ô rayon salutaire, / Viens me mettre avec moi d’accord ;
Et domptant par un doux effort/ Cet homme qui t’est si contraire,
Fais ton esclave volontaire/ De cet esclave de la mort ».
Cœur bon, généreux, fervent, fécond par la patience et la perseverance.
Mettre un nom et un visage sur ces 2 hommes intérieurs, repérer ce bord du chemin, ces pierres, ces épines et ronces, cette bonne terre ; c’est utile. C’est un bon début. Dans les choses spirituelles, la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin peut n’être plus piétiné, et il est possible d’arracher les épines3.
Faisons le lien avec l’Evangile de ce jour. Avec un détail, une bonne question spirituelle, et une leçon à ne pas oublier.
Un détail ; Syméon portant l’Enfant Dieu.
Comme Syméon, vous êtes christophores, porte-Christ. La petite croix protection de l’Enfant Jésus, portée avec fierté et fidélité par les enfants, vous rappelle cela, visiblement. Le Seigneur ne vient pas seulement sur la paille de Bethléem, dans les bras de Syméon au Temple ou à la maison de Nazareth. Il habite la terre de vos âmes ; « Le Royaume des cieux est au-dedans de vous ». C’est la grâce reçue, rendue, augmentée. « Je vis, mais non, ce n’est plus seulement moi qui vis, c’est Jésus Christ qui vit en moi ». Par la bonne communion, Il est présent et agissant. Présence vraie, réelle, substantielle. Présence dynamique aussi, celle de la grâce et de la charité.
Une bonne question.
En fait, qui porte qui ? Le vieillard porte l’enfant Jésus, mais l’enfant Jésus conduit le vieillard. Le professeur Lejeune disait peu de temps avant sa mort; «Mes enfants, il y a une chose que je veux vous dire, et je l’ai souvent expérimenté. Nous sommes dans la main de Dieu». Ainsi, c’est plutôt Dieu qui nous porte, que l’inverse. Intérieurement, extérieurement. C’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement, et l’être4. C’est encore vrai dans le combat spirituel. Il ne faut pas oublier cela; Dieu me porte et me soutient, même dans les tentations, les sécheresses, les difficultés de la vie de foi, pourvu qu’elles ne soient pas volontaires, consenties. Etre tenté, ce n’est pas consentir. Pas encore, pas toujours, pas nécessairement!
Ecoutons le dialogue de Ste Catherine de Sienne avec le Seigneur, après une épreuve longue et terrible ; « Où étiez-Vous donc, Seigneur, pendant ce terrible combat? Ma fille, J’étais dans ton coeur, et Je Me réjouissais de ta fidélité. Comment pouvais-je le savoir? Ma fille, ces tentations te donnaient-elles de la joie ou de la tristesse? Une tristesse très grande, avec la crainte de vous offenser et vous perdre».
Méditez les effets de la bonne communion ; l’affaiblissement en nous des amours contraires à l’amour de Dieu. L’effacement des péchés véniels, la protection contre les péchés mortels. La diminution des vices, du défaut dominant. L’affermissement face aux tentations. Désirez-les, demandez-les souvent, avec foi. «Mon Dieu, Vous êtes dans mon âme, mon âme est en vous! – Tu me reçois, mais c’est moi qui te transforme 5».
Une leçon, enfin. A ne jamais oublier.
Notre prière est une lutte. Pas seulement contre quelquechose (distraction, pauvreté, paresse, ennui…). Mais avec et pour quelquechose, ou plutôt pour quelqu’un. Une lutte spirituelle avec Dieu, une saisie de Dieu… poursuite et reddition. Tout acte du combat spirituel peut être une victoire de nous avec Dieu, une victoire de Dieu en nous. Cela donne de l’entrain et du courage pour entrer dans le prochain Carême et le bien préparer!
«Ce que je suis, c’est par votre grâce que je le suis;
que votre grâce en moi ne soit pas vaine!»
1 Jean RACINE, Plainte d’un chretien sur les contrariétés qu’il eprouve au dedans de lui-même. Les 4 citations suivantes en sont également extraites.
2 « Dans sa prédication, le Seigneur Jésus se sert souvent des signes de la création pour faire connaître les mystères du Royaume de Dieu (cf. Lc 8, 10) ». (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1151). Pourquoi les paraboles? Et pourquoi Jésus les explique-t-il à certains seulement? Selon qu’une chose nous a été proposée, expliquée, nous en répondons. Ainsi il y a un plus grand mal à ne pas progresser dans la vie spirituelle lorsqu’on a été instruit, averti, armé, entrainé (Origène).
3St Jean Chrysostome, in Chaîne d’or des Pères, Evangile de St Luc, 8 (St Thomas d’Aquin).
4Actes XVII, 28.
5Saint Augustin.