En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet.
C’est par le Prince des démons qu’Il chasse les démons !
Nous venons d’assister en direct à 2 choses ; Jésus chasse un démon muet, et Il est victime d’une calomnie née d’un jugement téméraire. Nous voici donc au monde de la parole et du silence.
2 points nous occuperont donc aujourd’hui, si vous le voulez bien, mes très chers frères et sœurs ; paroles et silences dans le combat spirituel.
D’abord il y a en Dieu parole et silence.
Eternellement, Dieu dit une seule parole et la dit bien1. C’est le Verbe, la 2eme Personne de la Trinité. Elle résonne dans la Trinité. Parole intérieure. Dans le silence plein de la divinité, de la lumière, de la perfection de Dieu.
Dans le temps, la parole sort de Dieu.
Il y a la Création, expression d’une pensée de Dieu ; Il dit et les choses existent2.
Il y a la Révélation, expression de son propre mystère. Dieu se livre, Il transmet son intime, sa volonté, son plan d’amour, à travers des intermédiaires et dans un langage d’homme, très sûrs néanmoins.
Il y a l’Incarnation. Le Verbe se fait chair, la Parole divine s’incarne. Dieu nous dit sa grandeur, son amour miséricordieux infini envers nous.
Il y a au bout de l’Incarnation la Passion, la folie de la Croix. Les 7 paroles de Jésus en croix sont le Testament de Jésus, signé de son sang sur la Croix. Mais aussi les silences de Jésus devant ses accusateurs et ses bourreaux, le silence du Père à l’heure de la mort de Jésus en croix. Dieu se tait, parfois! Il n’est pas absent ou indifférent. Au contraire, Il aime, Il agit, Il sauve.
J’ai envoyé mon Verbe, et cette parole ne reviendra pas à moi sans avoir produit son fruit, dit Dieu. Aimons donc méditer les Evangiles en nous arrêtant aux paroles et aux silences de Jésus, en les écoutant.
Ensuite il y a nos paroles humaines.
Nous aimons parler, nous aimons qu’on nous parle. Toute parole est un voyage vers autrui, qu’il s’agisse de Dieu ou du prochain. C’est l’expression d’une pensée, d’une affection, d’un besoin, d’une émotion, d’un désir. Un vehicule qui apporte la verité, la lumière, la douceur, la force, le pardon.
Faisons le lien avec le silence. D’ordinaire, une bonne conversation murit dans un bon silence. Silence plein, habité de la présence divine, nourri de la verité et de la charité. Apprenez-moi, Seigneur, à faire le grand silence qui ouvre les écluses de vos conversations. Ecoutez les bonnes musiques, elles comportent un temps de repos, des pauses, des silences. Ainsi de toute conversation valable avec Dieu ; la prière – ou avec le prochain.
Tirons maintenant quelques avis pratiques, encouragements et mises en garde.
Utamur ergo parcius verbis3… usons avec plus de mesure de la parole. Parler peu, non pas en quantité, mais en qualité. Car pour la quantité, il y a une grande variété d’esprit et de tempérament, et c’est bien ainsi. Chacun corrigera donc là-dessus ; soit un silence de dédain ou de défiance – soit un bavardage qui envahit tout de soi et éteint le prochain. C’est un excellent jeûne! Baisser ou couper le flux ininterrompu d’image, de bruits, d’informations qui sature la curiosité des yeux et des oreilles et rend le cœur malade, inapte au devoir d’état.
Je veillerai sur mes voies, pour ne pas pécher en parole… Seigneur, placez une garde à ma bouche, une sentinelle à mes lèvres, pour que mon cœur ne tombe pas en paroles mauvaises. La liturgie reprend ce psaume lors de l’encensement de l’offertoire.
2 règles générales ; il n’est pas bon de dire toujours toute sorte de verité, et il n’est jamais permis de parler contre la verité. Donc :
- ne jamais mentir pour s’excuser ou autrement.
- Se souvenir : Mon Dieu est le Dieu de verité. Le Saint Esprit est le doux habitant de mon âme, je ne le mets pas en collocation avec l’hypocrisie, la duplicité!
- Corriger ses manquements à la verité.
- Tenir ses promesses, donc ne pas les faire à la légère. Savoir dire oui et non.
- Avec la franchise, cultiver la discrétion, la délicatesse, la bienveillance. Finesse, simplicité.
- Reprendre? Oui. C’est vrai notamment lorsque la foi, les sacrements, le bien des âmes sont directement en jeu. Alors il faut parler à temps et à contretemps, mais toujours avec patience et le souci d’instruire. Sinon, « celui qui sait la verité et ne la dit pas se fait le complice des escrocs et des faussaires4».
- A l’inverse, être repris? Oui. C’est peu confortable à notre amour propre, qui meurt 10 minutes après nous. Ne faisons pas des tartines sur l’humilité. Acceptons sur nos tartines de l’humiliation, ni trop, ni trop peu. C’est un pain que Jésus a mangé avant nous, et bien d’avantage. Ne pensez pas trop « qui me dit cela ? » Mais plutôt ; « Qu’est-ce qu’on me dit ? Est-ce vrai, utile ? Que puis-je en tirer de bon? » Une remarque, un reproche n’est pas un règlement de compte – mais un exigeant service de bienveillance. A l’inverse, tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute5 !
Concluons… et décidons.
Aujourd’hui et demain, quelle bonne parole à dire ou à entendre ?
Quel bon silence à écouter ou à pratiquer ?
Seigneur, que mon langage soit doux, franc, sincère, rond, naïf et fidèle6,
Amen!
1Saint Jean de la Croix.
2Ps 148, 5 – Ps 32/33, 6 et 9.
3Hymne du Brévaire, Matines du Carême. Cf Aussi Hymne de Prime ; Linguam refrenans temperet… Que Dieu tempère nos langues en y mettant un frein, pour que ne résonnent pas des paroles mauvaises.
4Charles Péguy.
5Jean de la Fontaine.
6D’après St François de Sales, Introduction à la vie dévôte.