Mes biens chers frères et soeurs,
les jours de Carême sont toujours de trop… Sauf les jours de répit du jeûne… les dimanches, bien sûr! Et la St Joseph et l’Annonciation. Et ce dimanche un peu spécial de Laetare. Imitons nos anciens… Pas dans leur mesure de jeûne et de pénitence, nous n’en serions pas capable. Mais au moins dans leur soin pour garder au Carême ses 40 jours, sans le raccourcir par les 2 bouts.
Alors je parle bien de répit, et pas de rupture. « Rupture de jeûne », c’est pas une idée catholique, ça! Et la couleur du jour vous dit la même chose que moi, de la part de l’Eglise. C’est du rose. Dans le code couleur liturgique, on ajoute donc un peu de blanc (couleur de réjouissance spirituelle, annonce du temps pascal), mais enfin… il reste quand même du violet (couleur de pénitence).
Je parle bien de jeûne.
Et vous vous souvenez de dimanche dernier ; le jeûne, c’est alimentaire, oui. Un seul repas solide le Mercredi des Cendres et le Vendredi Saint. Et l’abstinence, la privation volontaire de viande les vendredis. Ca c’est pour tous les fidèles baptisés. Et ensuite, chacun, selon la générosité et la prudence, ajoutera peut-être quelquechose.
C’est alimentaire mais pas que… Rompre la dépendance aux écrans, aux jeux vidéos, à d’autres habitudes qui à la longue sont devenus des dépendances encombrantes, ou même des obstacles bien identifiés à la vie spirituelle. J’insiste; le baptême vous a faits fils de la promesse, citoyens de la Jerusalem d’en haut, appelés à la liberté d’enfants de Dieu. Cela implique d’en garder le parler, les mœurs. Mais cette filiation divine et cette liberté spirituelle peuvent être diminuées; on redevient si vite des enfants de servitude!
D’un mot; ce Carême doit restaurer en nous les effets du baptême. Le combat spirituel, c’est radical, selon St Paul; l’esclave ne partagera pas le sort de l’héritier. Chassez en vous l’esclave et ses enfants, c’est à dire la mauvaise habitude et les actes qu’elle entraine. Chassez-les, ne les flattez pas.
J’en viens au répit dans le Carême et le combat spirituel. C’est le thème de ce jour. C’est l’effet des sacrements, en particulier celui de l’Eucharistie.
Misereor super turbam. Entendez ici parler le Seigneur bon et doux, benignus et suavis, que l’on chante à l’offertoire de ce jour. Pour comprendre ces mots sortis tout droit du Coeur de Jésus, rappelez-vous le contexte. Les foules ont suivi ou rejoint Jésus à pied, retour de Jerusalem. 150 km environs, pour ceux qui ont marché depuis le début… avec des bivouacs à la dure, des enseignements chemin faisant. Les provisions sont épuisées, et nous sommes loin de Tiberiade et Capharnaüm, les grandes villes du bord du lac.
Alors le Christ fait assoir et rassasie cette foule nombreuse.
Et jusqu’à la fin des temps, le Christ veut cela, il le fait. Il le fait par l’Eglise catholique qui conserve en plénitude le dépôt de la foi et des sacrements.
Elle nous donne le premier pain de la foi – celui la doctrine, du catéchisme, de la prédication. «Les enfants ont demandé du pain, et personne pour le leur rompre1». «Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain-là!»
Ayons pitié des âmes affamées de verité comme Jésus en a eu pitié. Donnons-leur sans ajout ni diminution ce bon pain. Faisons-leur connaître le Christ; «Je suis le pain vivant descendu du ciel».
Faisons-les assoir dans l’Eglise de Dieu. Le saint Baptême les y introduit; «Entrez dans le Temple de Dieu pour avoir part avec le Christ pour la vie éternelle».
Fortifions ensuite les âmes de l’aliment spirituel, le deuxième pain de l’âme, qu’on demande au Pater; «Si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme et ne buvez son Sang, vous n’aurez pas la vie en vous – Le pain que je donnerai c’est ma chair pour la vie du monde2».
Paroles dures, et qui pourrait les entendre3… Paroles divines, qui sont esprit et vie, paroles de vie éternelle. Nous n’irons pas aux discours aseptisés et affadis et aux pratiques hygiénistes. Nous ne réduirons pas l’Eucharistie à un morceau de pain, et la communion à un rite de convivialité, déserté à force d’être banalisé! Nous n’y verrons jamais une offense aux gestes barrières, un cluster potentiel. Ca, mes frères, c’est grave!
«Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain là! – Donnez-nous aujourd’hui le pain de chaque jour». L’Eucharistie efface les fautes vénielles, elle préserve des fautes mortelles. Elle affaiblit encore la racine du péché ; tel vice ou penchant. Elle augmente telle vertu.
Mais c’est aussi le pain des anges, chose sainte, qu’il ne faut pas donner aux chiens. Voilà ce qu’on veut et doit entendre de l’Eglise et dans l’Eglise; dans sa prédication, sa liturgie, la conduite de ses prêtres et de ses fidèles envers l’Eucharistie. Voilà pourquoi on ne peut traiter, donner, recevoir la Sainte Eucharistie à la légère. C’est affaire de réalité, non de sensibilité.
Mes frères, réjouissons-nous et remercions de chaque sacrement reçu; chaque naissance spirituelle par le baptême – chaque renaissance et guérison spirituelle par la confession – chaque croissance et affermissement par la confirmation – chaque jonction d’âme au Seigneur par la bonne et fréquente communion.
Préparons cela avec soin, mettant d’accord l’extérieur et l’intérieur. Préparez votre communion pascale, par une bonne confession.
Enfin, si nous voulons combattre et gagner le combat spirituel, recevons bien et régulièrement les sacrements. C’est le témoignage de la foi pour lequel nous avons été confirmés. C’est la source, la force pour la lutte. C’est le remède pour les coups et blessures spirituels auxquels nous sommes exposés.
Amen!
1Lamentations, IV, 4.
2Jn VI, 51 et 53.
3Jn VI, 60.