Les étendards du roi s’avancent,
voici que resplendit le mystère de la Croix
par où la Vie a enduré la mort
et par sa mort nous a rendu la Vie.
(Hymne de la Passion, Vexilla Regis)
O Jésus, gardez-moi sous l’étendard de votre croix.
(Ste Bernadette, Carnet de notes intimes).
Mes biens chers frères et sœurs,
A compter de dimanche prochain, nous laissons la liturgie nous associer, comme en temps réel, à Notre Seigneur, à sa geste de salut; son humiliation et son élévation. Pour ce dernier sermon, donc, abordons l’arme absolue du chrétien dans le combat spirituel ; la Passion et la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ.
La Passion du Christ est-elle une défaite ou une victoire? Son prolongement dans la vie de l’Eglise et dans ma vie est-il un scandale intolerable ou une conformité aimable? Ce paradoxe retentit d’aujourd’hui au dimanche de Pâques dans la liturgie. Jusque dans l’Eglise jusqu’à la fin des temps. Jusque dans nos cœurs.
Car la Passion de Jésus est son grand combat. «Durant tout le cours de sa vie, Il parle de sa Passion avec joie, il désire continuellement cette heure dernière, c’est ce qu’Il appelle son Heure, par excellence, comme celle qui est la fin de sa mission. Mais par un secret de la Providence, Il va à la mort avec tremblementi».
Le démon et les adversaires de Jésus sont retenus jusqu’à cette Heureii.
Jésus ne devance pas cette heure, Il ne la fuit pas non plus. Il l’accepte.iii
Jésus ne subit pas sa Passion. Il la connait, et Il la reçoit comme une volonté du Père. Il reste souverain, libre. Jusqu’en son arrestation, sa garde à vue et ses passages à tabac, sa fixation en croix et son ultime soupir. A Gethsemani, devant son seul Nom, ses ennemis tombent à la renverse. Dédaignant le glaive, Il revendique de pouvoir compter pour sa défense sur les légions d’anges. Mais Il veut d’abord que s’accomplissent les Ecritures exprimant la volonté du Pèreiv.
Ste Bernadette avait compris cela. Devant les interrogations, les inquiétudes sur la situation de l’Eglise, de la France en son temps, elle répondait ; Il ne faut pas s’arrêter aux hommes. Le Bon Dieu le permet. Il faut prendre patiencev.
Il connait tout et d’avance; les temps, les lieux, les protagonistes. Il sait la conduite de ses amis, de ses ennemis. Il sait qui de ses amis se fera alors son ennemi, qui de ses ennemis se convertira au nombre de ses amis.
Il sait Judasvi.
Il sait St Dysmas, le bon Larronvii.
Il sait Longin, le soldat converti au coup de lance, à l’ouverture du Sacré Coeurviii.
Jésus sait Pierre, Jésus regarde Pierre avant et après la chute. Jésus aime Pierreix.
Donc Jésus connait parfaitement sa Passionx.
Et nous, que savons-nous de la Passion de Jésus? Et ici savoir c’est prendre, recevoir en soi, admettre une ressemblance avec ce qui est connu.
Alors, comment connaissons-nous la Passion de Jésus?
Il faut le reconnaître, à première vue, à vue humaine, il n’y a qu’une seule réponse; c’est une défaite. Défaite de Dieu qui se tait, de son Règne qui s’en va, de son Christ et de son Eglise outragés, de ses disciples rénégats, absents, effrayésxi…
Mais pour répondre, il faut regarder encore, mieux… La Victoire plus grande que la défaite, cachée dans la défaite, et la défaite occasion de victoirexii.
Et s’il y a défaite, c’est réellement celle des ennemis de Jésus et de nos âmes.
Celui qui avait vaincu par le bois devait être vaincu par le boisxiii.
S’il y a défaite, c’est celle de notre amour propre plus que de l’amour de Dieu. Ca fait mal, mais ce n’est pas grave.
Au fil de la Semaine Sainte, et dans notre vie, connaissons donc la Passion de Jésus. « Cet événement domine notre existence terrestre éphémère et règle définitivement notre vie éternellexiv».
Méditons un des 3 aspects essentiels. Arrêtons-nous sur 1 verité de la Passion.
- La verité de l’humanité de Jésus. « Il m’aurait moins racheté s’Il avait moins pris ma condition », dit justement Saint Ambroisexv.
- La sainteté de Dieuxvi, et la vraie grandeur du péché. La grande passion de Jésus est l’effet de nos péchés. Poids qui a pesé sur le cœur de Jésus comme la croix pesait sur ses épaules. Et dans ce poids, il y avait nos péchés, les vôtres, les miens…
- La verité enfin de l’amour miséricordieux infini. « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimé, ce n’est pas par grimace que je me suis fait ton serviteur. Ce n’est pas de loin que je t’ai touchéexvii».
« O Jésus, gardez-moi sous l’étendard de votre croix. Que le crucifix ne soit pas seulement sous mes yeux, sur ma poitrine, mais dans mon cœur, vivant en moi.
Que je sois moi-même un crucifix vivant, transformé en vous par l’union de l’Eucharistie, par la méditation de votre vie, des sentiments de votre cœur.
Que j’attire les âmes non pas à moi, mais à vous, du haut de la croix où vivant, son amour m’attache à jamaisxviii».
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iBossuet, 1er sermon pour le Vendredi Saint, 1er point (Oeuvres complètes, Vivès 1854, p 712).
iiPersonne ne mit la main sur Lui parce que son heure n’était pas encore venue (Jn VII, 30). Alors le tentateur le laissa jusqu’au temps fixé (Luc IV, 13).
iiiMon Heure n’est pas encore venue… (Jn II, 4.)
Maintenant mon âme est tourmentée et que dirai-je ?
Père, sauve-moi de cette Heure! Mais c’est pour cette Heure que je suis venu! Père, glorifie ton serviteur! (Jn XII, 27)
Jusque là vous ne m’aviez pas arrêté.. Mais c’est maintenant votre Heure et la puissance des Ténèbres (Luc XXII, 53)
ivMa vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. J’ai le pouvoir de la donner et de la reprendre… Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie en rançon pour la multitude. (Jn X, 18 et MC X, 45).
vPensées, répliques et anecdotes. In Bernadette disait…
viMon ami, est-ce pour cela que tu es venu? Tu me trahis par un baiser?
viiAujourd’hui, avec moi, en Paradis.
viiiVraiment cet homme était Fils de Dieu!
ixCette nuit, vous serez tous scandalisés à mon sujet… Seigneur, pas moi! Je donnerai ma vie pour toi. Avant que le coq chante, tu me renieras 3 fois (Mc XIV, 27-30).
x Connaissance divine, connaissance humaine aussi. La trame des Ecritures, les annonces des prophètes, des figures et des psaumes.
xiVoici l’Homme (Jn XIX, 5).Homme de douleur, familier de la souffrance. Semblable à un lépreux, sans beauté. Sans rien qui puisse attirer notre regard (Isaïe, LIII, 1-5).Un ver et non un homme… Opprobre des puissants, risée du peuple (XXI/XXII, 6) Il a sauvé les autres, et Il ne peut se sauver Lui-même (Matt, XXVII, 42).
xiiDieu Saint. Saint Fort. Saint Immortel, ayez pitié (Vendredi Saint, Impropères).Nous adorons votre croix, et nous proclamons votre sainte résurrection (Antienne Crucem Tuam).Vous serez exposés au scandale à cause de moi (Mc XIV, 27-30). Vous aurez à souffrir dans le monde (Jn XVI, 33).On dira toute sorte de mensonge, de mal faux contre vous à cause de moi (Matt, V, 11).Mais après ma résurrection, je vous précéderai en Galilée… Prenez courage parce que j’ai vaincu le monde… Bienheureux, soyez dans la joie et l’allégresse, votre récompense est grande dans le cieux !
xiiiPréface de la Ste Croix.
xivDr Pierre BARBET, cité par le Dr RUELLO, in La Passion selon le Chirurgien, Ed Paulines 1965, p 16.
xvLa souffrance humaine fait accéder à une verité sur soi-même, sur son humanité. Avec ce qu’elle a de force et de vulnerabilité. Jésus a assumé cela, Il a montré cela.
xviDieu est cause de notre salut éternel, principalement. L’humanité de Jésus, son humanité souffrante est l’instrument de la divinité pour nous sauver du péché. Tant vaut l’effet, tant vaut la cause.
xviiNotre Seigneur à Sainte Angèle de Foligno.
xviiiSte Bernadette, Carnet de notes intimes.