Mon Dieu, qui êtes-vous? Comment êtes-vous?
«Moi, je suis Dieu, et je ne change pas» (Malachie, III, 1)
«Père des lumières, en qui n’est nul changement, ni ombre, ni vicissitude». (Epitre du jour, St Jacques).
Le changement est une catégorie, un aspect de l’être, pour le dire simplement.
On voit cela; changement de météo, d’humeur, d’habitudes ou de comportement, de lieu, d’âge ou de physionomie, de personnes…
Mais l’être, la réalité, c’est plus que du changement. C’est aussi de l’identité, de la stabilité. Il y a ainsi une constitution stable, une ADN des choses perceptible à l’intelligence. A côté des changements et à travers eux, il y a un être profond des choses qui demeure; la maman reconnaît son enfant, unique et le même, à travers les variations de sa vie. L’homme qui se comporte comme une brute demeure un être vivant doué de raison capable de vivre en société. L’âme éloignée de Dieu demeure image et ressemblance de Dieu, passivement capable de le connaître et de l’aimer.
D’autre part, le changement, le mouvement est ambivalent. Il peut apporter un mieux, un plus,… ou pas. Une fécondité, ou une alteration. Une croissance, ou une diminution. Il est bon pour le caractère léger, l’âme inconstante de méditer cela. Vous me pardonnerez ces quelques propos de philosophie..
J’en arrive surtout à l’admirable propos de St Jacques. Dieu ne change pas.
Pour qu’un être, une chose ne change pas, quelques raisons;
il n’y plus rien à lui ajouter ou enlever.
Ou alors il y aurait à ajouter ou enlever, mais le changement est empêché.
Et bien l’immutabilité de Dieu relève du 1er cas. Dieu ne change pas, parce qu’Il possède, dans une très grande simplicité, toutes les perfections. Celles que nous voyons sur cette terre et qui touchent nos cœurs d’homme en sont un reflet, une participation. Des beautés, bontés, verités, unités partielles.
Tout cela est pleinement en Dieu. Simplement. Infiniment. Et toujours.
Ceci peut lever l’inquiétude des âmes aimant la variété et craignant de s’ennuyer très fort dans le ciel, qui est la vision de Dieu, face à face, sans fin.
Ceci peut encore stimuler notre connaissance de Dieu, notre désir de reprendre ou de nouer une intimité avec Dieu.
Tout ce que nous voyons de changement arrive dans les créatures, non dans le Créateur.
Mais enfin, me direz-vous, la variété, les changements, les mouvements de Jésus, de son Humanité, de son âme et de son corps, tout cela est bien réel? Oui, et d’ailleurs profitez de ce trésor varié, jamais épuisé des mystères du Rosaire. Mais en tant que Dieu, Jésus ne change pas.
De même dans la prière, nous pensons souvent faire changer Dieu d’avis. Approche compréhensible, mais en fait, c’est la prière qui nous change. Ainsi le marin embarqué tire sur un cable accroché au rivage. Le rivage bouge, change, se rapproche, pense-t-il. Mais vous savez bien ce qu’il en est.
Enfin, dans l’Eucharistie, 2 changements. Dieu ne s’étire pas, il ne s’agrandit pas pour venir sur tous les autels. Mais il y a une nouvelle relation de Dieu, une nouvelle présence de Dieu. Et ensuite, dans la communion, nous le recevons, mais c’est Lui qui nous transforme, qui nous change, qui nous perfectionne intérieurement. Alors oui, c’est bien de communier avec ferveur – et non, ce n’est pas bien de s’abstenir sans raison de communier, de rester trop longtemps éloigné de Jésus Hostie.
Je pense qu’il est très utile de méditer sur l’immutabilité de Dieu. Cela modère notre légèreté et notre inconstance.
St Thomas d’Aquin encourage sans cesse à acquerir la constance de l’âme, pour se conduire en tout avec égalité, matûrité et douceur.
Regarder le Dieu immuable, sans trouble, sans ombre ni agitation est source de paix intérieure. Cela peut aider notre combat spirituel concret; combat des passions, des émotions, des habitudes de vie, des bonnes résolutions. Combat, non pour les supprimer ou les nier, mais pour les corriger, les purifier, les cultiver. Pour les intégrer, mais à leur place, dans l’unité de vie intérieure, la cohérence de la vie d’enfant de Dieu. Vigilance du cœur pour éliminer ce qui agite ou trouble inutilement notre âme ou celle du prochain.
Mon Dieu, qui êtes-vous? Comment êtes-vous?
Père des lumières, en qui n’est nul changement, ni ombre, ni vicissitude.
(Epitre du jour).
Mon Dieu, fixez-moi en vous.
Au milieu des changements, des variétés, des agitations de ce monde,
Que nos cœurs soient fixés là où sont les vraies joies.
(Oraison du jour).
O mon Dieu, Trinité que j’adore,
aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous,
immobile et paisible
comme si déjà mon âme était dans l’éternité.
Que rien ne puisse troubler ma paix,
ni me faire Sortir de vous,
ô mon Immuable,
mais que chaque minute m’emporte plus loin
dans la profondeur de votre Mystère.
(Ste Elisabeth de la Trinité.)