An tri re!
Mes chers enfants, j’ai écouté avec intérêt le témoignage d’un conteur breton, un ancien. Il y avait là-bas un dicton, une règle de vie simple. Une sagesse. Un ordre à garder tous les jours ; An tri re – Les 3 nécessaires, en dialecte bigouden ;
« Quelquechose pour l’estomac ; de quoi se nourrir
quelquechose pour le corps ; de quoi se vêtir
quelquechose sur la tête ; un toit ou habiter.
Tout le reste, c’est du convenable et du superflu; c’est normal de le désirer, ou de le recevoir, de l’avoir, si on peut… mais sans courber l’échine1».
En fait, courber l’échine, ça veut dire choisir mal, à l’envers. Faire passer des biens secondaires avant le Bon Dieu. Prendre comme but et comme souci 1er des choses secondaires. Attacher son cœur à des choses qui passent.
St François de Sales compare votre âme, votre cœur à un nid d’oiseau ; tout rond, bien étanche, fermé par en bas. Et son entrée, son ouverture est toujours en haut.
Mes chers enfants, tout au long de l’année qui commence, cherchez le Royaume de Dieu et sa justice, c’est à dire la grâce, en tout, par-dessus tout. A l’école, au catéchisme, dans vos activités, dans vos devoirs, vos services, vos récréations… Pour cela, dites souvent ; Mon Dieu, je vous aime. En tout. Par-dessus tout.
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Servir un maître.
Servir, en grec ; douleuein. C’est très fort. Engager sa vie pour, rendre un culte à , choisir pour but ultime.
Maître, en grec Kyrios. Quelqu’un ou quelquechose à qui on donne droit sur soi-même, son être, sa vie, ses actes.
Donc, oui, Notre Seigneur a raison ; tout bien pesé, on ne peut servir ainsi qu’un seul maître. Arrière-petits enfants de mai 68, nous voyons le résultat du « Credo » de cette époque. Ni Dieu, ni Maître, disait-on en écho au cri du premier révolté ; Je ne servirai pas. Mais on a fabriqué d’autres dieux bien vite et bien mal depuis! Des dieux, c’est à dire des biens qu’on prend comme but ultime, comme sens à la vie. Et auxquels on s’asservit ensuite, soi et les autres; pouvoir, honneur, argent, bien être, plaisir sensible, santé… au fond, Notre Seigneur reprend l’avertissement radical de Jérémie ; «Mon peuple, tu as dit; je ne servirai pas – ne va pas après d’autres dieux pour les servir!2»
Cette lumière évangélique peut éclairer nos vies et nos choix, avec quelques questions simples. Attention, parfois la lumière éblouit, elle fait (un peu) mal…
- Suis-je bien convaincu de l’excellence de mon âme? Est-ce que j’en prends soin, et à qui je la donne?
- Est-ce que je vois le sens de ma vie à la lumière de St Paul ? J’ai été racheté à grand prix. Je suis fait pour glorifier Dieu en mon corps et mon esprit, en tout mon être et ma vie.
- Est-ce que cela passe en premier, en priorité dans mes résolutions, mes choix de ce début d’année? Choix personnels, familiaux, scolaires, amicaux? Engagements pris ou repris?
- Ai-je le sens du nécessaire? Premier nécessaire, Dieu, sa bonté infinie, sa providence, le désir de sainteté. 2nd nécessaire, ou surcroit ; les choses de la terre, les affaires temporelles, an tri re?
- Bref, Dieu a-t-il ma préférence, en toute chose, sur toute chose?
Cette lumière réveillera en vous le sens de Dieu, le sens des âmes, le sens de la grâce. Quaerite primum. C’est une condition de sagesse chrétienne. C’est aussi l’effet des dons du Saint Esprit, en particulier le don de crainte et celui de sagesse.
Mais enfin, il y a tout le reste, me direz-vous. Certes, et ce n’est pas rien. Mais c’est bien peu en comparaison de Dieu et des choses de Dieu. C’est donné par surcroit.
Et dans les choses de Dieu, il y a en premier lieu la charité; charité reçue de Dieu, don théologal rendu et augmenté dans la prière, les sacrements, la messe, et les actions du devoir d’état.
Ma belle âme, tu peux connaître et vouloir Dieu,
pourquoi t’attacher à plus petite chose?
Tu peux prétendre à son éternité,
pourquoi t’inquiéter trop dans le moment présent ?
Tu es capable de Dieu,
malheur à toi si tu te contentes de moins que de Dieu3!
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1Pierre Jakez Heliaz, auteur du « Cheval d’orgueil ».
2Jérémie II, 20 et XXV, 6.
3Introduction à la vie dévôte, 5ème partie, chapitre 10.