… N’était-ce pas bon?
… D’où vient qu’on y trouve du mauvais?
… Mon ennemi a fait cela.
… Laissez croître ensemble… Au temps de la moisson, le tri sera fait.
N’était-ce pas bon ?
Croyez-vous en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre1? Question intéressante, posée au jour du baptême, de la profession de foi, aujourd’hui. Cette certitude d’un Dieu bon, auteur de tout ce qui existe, est à réviser, souvent; dans le catéchisme, dans la méditation, l’oraison; «Il m’est bon d’adhérer à Dieu, de remettre en Lui mon esperance2».
Le récit de la Genèse nous fait partager ce regard de Dieu; oui, c’était bon. « Dieu vit que cela était bon… Il vit tout ce qu’il avait fait, et c’était très bon, valde bona3». Tout ce qui remplit et orne l’univers; singulièrement l’être humain, sa liberté, son intelligence, sa sensibilité, son corps et son âme. Et tout ce qui va avec, essentiellement; la différence homme-femme, son inscription dans le corps humain, l’amour humain, le mariage unique et indissoluble, la famille, l’ouverture à la vie, le travail, l’autorité… Plus encore, la grâce d’Adam, son union première à la Trinité, ses dons ajoutés; sentir mais ne pas souffrir – vivre et ne pas mourir – être libre et ignorer le chemin du mal. Parents et éducateurs, qui reflétez ce créateur auprès des petits ou des jeunes, éduquez-les à préferer librement la beauté à la laideur, la verité au mensonge, le bien au mal, et Dieu à tout4.
D’où vient qu’on y trouve du mauvais?
C’est mon ennemi qui a fait cela.
Par le péché de l’ange, une créature retourne contre Dieu les dons reçus de Lui. Péché plus grand, parce que Satan se détourne de Dieu et le refuse «en pleine lumière».
Puis péché originel de l’homme, rappelé clairement jusque dans le dernier Concile; «Séduit par le malin, dès le début de l’histoire, l’homme a abusé de sa liberté5». Il a succombé à la tentation et commis le mal. Il conserve le désir du bien, mais sa nature porte la blessure du péché originel. Il est devenu enclin au mal et sujet à l’erreur6».
Le mal est une privation.
Pas une illusion, une pensée négative, avec un interrupteur pour l’éteindre. Pas de bouddhisme.
Le mal n’est pas non plus un 2ème Dieu concurrent posé près du premier. Pas de dualisme.
C’est une privation. Une pierre ne voit pas, c’est une simple absence, une négation, pas de problème. Un aveugle ne voit pas, c’est une privation; un mal physique. Une liberté se détourne du vrai bien qui est sa finalité, c’est un défaut, une privation.
Ensuite plus un bien est grand, plus est grand le mal qui nous en prive.
Un mal connu et voulu, c’est un mal moral, volontaire, responsable. La répétition, la durée y ajoute enfin. Dieu est le bien infini, souverain, transcendant. Il n’y a pas de plus grand mal que d’être privé de Dieu. Sortir de Lui. S’exclure de Lui ; perdre l’état de grâce, tomber en péché mortel. Exclusion provisoire tant que dure cette vie, car on peut faire demi tour, avec la grâce de Dieu. Exclusion définitive à l’instant de la mort, après cette vie, car on est fixé alors dans l’autoexclusion de Dieu, la séparation. « Jetez la paille au feu pour la brûler ». La peine sensible du feu est réelle en enfer, mais elle est seconde. La première et plus dure, c’est d’être privé de Dieu, volontairement, et de manière définitive. Les autres maux, ce ne sont pas des illusions, certes, mais c’est limité.
Le champ de l’Evangile, c’est notre cœur. C’est le monde avec son histoire. C’est l’Eglise elle-même!
Arracher? Laisser?
Le mot est important. Il montre comment un Dieu bon est possible avec le mystère du mal. Dieu ne veut pas que le mal arrive – il ne veut pas que le mal n’arrive – Il veut permettre que le mal arrive, laisser arriver le mal. Permission…
Mon Dieu, êtes-Vous permissif, laxiste, indifférent au mal du monde? Ou alors dépassé, impuissant? Non. Si Dieu permet, c’est parce qu’Il voit bien et complètement. Nous, pas toujours, pas tout de suite. Dieu voit entre autre la possibilité de conversion et de réparation. Dieu voit que parmi les maux à la surface de la terre, le plus grand est de se détourner de lui. C’est ça qui a mis le monde et l’homme à l’envers. C’est le péché, offense à Dieu. Tous les autres maux en découlent.
Mon Dieu, pourquoi, jusqu’où, jusques à quand?
Si Dieu permet, Dieu limite aussi. «Je ne laisserai pas aller le bâton des pecheurs sur le sort des justes, afin que les justes n’étendent pas la main vers l’injustice ». Dieu patiente. Dieu rend résistant au mal moral. Il ne veut pas notre coopération au mal, notre contamination. Il limite pour cela la tentation. Il défend de s’y exposer inutilement; qui touche à la poix s’englue, qui aime le péché y perira.
Enfin, Il donne la grâce qui rend fort, résistant au mal, endurant pour le bien. Dieu est juste ; il ne permettra pas que vous soyiez tentés au-delà de vos forces, mais en même temps que la tentation, Il donnera le moyen d’en triompher, d’en sortir. Soljenytsine disait ; Qu’importe si le mensonge se répand et se diffuse autour de moi, il ne passera pas par moi. Résistance au mal! Elle est contagieuse, aussi, quoi que plus discrète souvent.
Partagez-vous la prudence et la patience de Dieu, face au mystère du mal?
Accepter l’épreuve du mal.
Jésus, je vous demande le goût du bien, et de vous qui êtes le plus grand bien. Et pour cela, la charité et la justice avec le don de piété et de sagesse. «Goûtez, voyez comme le Seigneur est bon, bienheureux l’homme qui met en Lui son esperance».
Jésus, je vous demande la haine du mal, la haine du péché, avec le don de crainte. Sur ce mal-là, vous avez transpiré du sang et de l’eau. Et vous m’avez mérité des larmes de cœur, la contrition.
Jésus, je vous demande l’amour du pécheur, en premier de ce pécheur que je suis. Un amour assez fort pour ne pas être permissif, couper court au péché et aux racines du péché en moi. Un amour assez doux pour revenir vers vous, pour regretter à cause de Vous, pour me corriger. Un amour assez long pour persister ou reprendre tel bien. Un amour assez sage pour éviter l’amertume dans le bien, ou le scandale devant le mal. Amen !
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1Rituel Romain, profession de la foi lors du sacrement de baptême.
2Psaume LXXIII, 28.
3Genèse, I, 31.
4Abbé V.A. BERTO.
5Concile Vatican II, Gaudium et Spes, 13, §1.
6Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1707.