A Capharnaüm, Notre Seigneur guérit un infirme. Nous en avons le récit en 2 évangiles[1].
Il y une chose à voir, une autre à entendre ; le paralytique, et la question du plus facile.
Le paralytique… il souffre d’un handicap moteur; est-ce de naissance, est-ce par accident ? On ne sait. Le voici en tout cas privé de ses facultés, allongé, dépendant de l’aide des autres pour toute nécessité.
Quelle image de l’humanité… il est l’ambassadeur de notre race humaine en son état de péché originel ou personnel. Il est aussi l’image saisissante, le reflet de ce que l’on appelle pompeusement l’homme postmoderne !
Il vit allongé ; hopeless, homme sans espoir comme sans esperance. Il est branché en permanence sur la matrice Internet, flot ininterrompu de son et d’image. Des séries sans intérêt, des publicités et des actualités alimentent son troupeau de désirs, fabriquent l’illusion du manque et du besoin. On appelle cela la PBA ; Push Button Attitude – la vie en pressant sur un bouton, si vous préférez. Jouissance, bien-être, développement personnel et pouvoir d’achat sont tout l’horizon de sa fenêtre, le papier peint de sa chambre.
Sa paralysie a été une fois consentie avant d’être subie ; subjugué par son écran, séduit par l’EdTech, il fuit le réel pour le virtuel ; il en reçoit chaque jour un lot d’injonctions, de pensées passionnelles, d’excitations artificielles. Il y nourrit un avatar dérisoire de soi, un narcissisme dévorant.
Le temps long de la vie intérieure lui est sujet de distraction, de curiosité, bientôt d’ennui. L’effort même mesuré, le combat spirituel l’émeuvent, mais souvent superficiellement, sans effet. La pensée des fins dernières l’effleure à peine, immergé qu’il est dans l’instantané, l’agitation émotionnelle permanente.
C’est bel et bien un paralytique de cœur, d’esprit et d’âme, sinon de corps.
Il y avait des fossoyeurs pour porter en terre le jeune fils défunt de la veuve de Naïm. Nous en avons aussi. Ils représentent ce qui fait tomber l’âme. Habitudes, influences, occasions dangereuses.
Il y a Dieu merci des porteurs pour amener le demi mort paralytique jusqu’au Seigneur. Nous en avons également. Avec la grâce prévenante, les aides extérieures ; inspiration du bon ange, bonnes influences et bons exemples, paroles vraies, franches, douceur et patience dans la correction, prière.
J’en viens à la question du plus facile…
Et au fond, si Notre Seigneur nous pose cette question, c’est parce qu’Il accomplit lui-même le plus difficile. Ou pour mieux dire, ce qui nous était impossible. Il y a du vrai chez les pharisiens; si la médecine peut soigner bien des handicaps corporels, à tout le moins les atténuer, aucun homme ne peut remettre, pardonner les péchés. Aucun homme ne peut intervenir par ses seules forces à cette profondeur du cœur humain ; justifier l’âme, la rétablir dans l’ordre et l’amitié avec son Dieu. C’est la saveur de ce chapelet de la Miséricorde divine ; par sa douloureuse passion, soyez miséricordieux pour nous et pour le monde entier !
A la question du Seigneur, le paralytique de 2022 répondrait peut-être ; mais le plus facile, c’est de rester paralysé de cœur, d’esprit et d’âme, voyons ! Pour le reste, on verra… demain, peut-être.
C’est un hors sujet, puisque Notre Seigneur vient apporter un mieux-être, une perfection rendue, non prolonger une médiocrité.
Regardons bien, entendons bien…
- Qu’est-ce qui me paralyse sur le chemin de la messe de semaine, de l’adoration eucharistique, de la confession mensuelle ?
- Et ensuite ; Lève-toi !
Ainsi soit-il.
[1] Matthieu IX, 1-8 et Marc II, 1-12.