« Seigneur, descendez! »
QUI EST CE CENTURION ?
C’est un officier de l’armée romaine stationné à Capharnaüm, attaché militaire du palais royal. Bienfaiteur, il a aidé à construire la synagogue locale. Païen, il cherche Dieu, et le reconnait en Jésus, Fils de Dieu. Il demande la guérison de son serviteur[1].
Sa foi est célèbre, proverbiale. Touché par la grâce, il adhère de tout son cœur. Il répond par l’hommage total du coeur et de l’esprit, l’obsequium fidei dont parle St Paul. « Seigneur, descendez… je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit[2]… mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri…». Tertullien s’exclame ; « agréable violence » faite à Dieu ! Et Jésus lui-même admire; « En tout Israël, je n’ai pas trouvé une foi comme celle-là ! ».
A quelques siècles de distance, un autre centurion, Psichari, petit fils d’Ernest Renan, décrit son itineraire de conversion, de recherche et de retour à Dieu. «Mon Dieu, je vous parle, écoutez-moi ! Je ferai tout pour vous gagner. Ayez pitié de moi, mon Dieu, vous savez qu’on ne m’a pas appris à vous prier. Mais je vous dis, comme votre Fils nous a dit de vous dire, je vous dis de tout mon amour, comme mes pères vous l’ont dit autrefois : Notre Père, qui êtes aux cieux, (…)
Qu’elle est belle, la première prière ! Qu’elle est bénie et précieuse au Seigneur ! Que les anges du ciel l’écoutent avec joie !
Allons ! pauvre homme, relève-toi ! Voici que Jésus n’est pas loin, et qu’il va venir et qu’il ne peut tarder ! Déjà tu regardes avec tranquilité la terre de la réconciliation et le soir de ta consolation. Reprends ta route. Espère la plénitude de ton coeur, et dans la force de ton âge nouveau – et le reste te sera donné par surcroît… – «Mais quoi ! Seigneur, est-ce donc si simple de vous aimer ?»
Tout le monde est touché par la foi, 1° secours théologal donné à tous les hommes, au moins une fois en cette vie. Mais qui la désire, la demande, l’accepte comme le centurion? Capharnaüm était 1 ville d’incrédules, « lents à croire », durs d’intelligence et de cœur.
A qui vous dit ne pas avoir la foi, il faut répondre que la foi se demande. Avec confiance. En effet, Dieu veut le salut de tous les hommes. Et le salut commence par la foi. Dieu veut donc donner la foi à tout homme, mais Il veut également qu’on la demande. Ce n’est pas du domaine du sentiment, de l’impression, mais des actes posés.
DEVENIR CENTURION PAR LA COMMUNION EUCHARISTIQUE.
La liturgie nous fait dire la prière du centurion en réponse aux paroles de St Jean Baptiste; Voici l’Agneau de Dieu… Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, mais dites seulement une parole, et mon âme sera guérie.
Qu’est-ce que je reçois ?
– 1° bien reçu, quel que soit l’état de l’âme. La présence objective du Christ tout entier ; il est présent, vraiment, réellement, substantiellement. Ce n’est pas un signe, une figure, un symbole du Seigneur. Ce n’est pas seulement sa parole, comme au moment de l’Evangile. C’est le Seigneur. Les autres sacrements donnent une grâce, l’Eucharistie donne l’auteur-même de la grâce. Par les autres sacrements, Jésus agit en nous. Par ce sacrement, Il est présent en nous.
– 2° bien, reçu ou non, reçu plus ou moins intensément… selon l’état de l’âme. La présence de grâce et de charité. Chaque communion nous transforme ; elle élève et sanctifie tout notre être et notre activité.
– 3° bien. La rémission des péchés véniels ; ces fautes de fragilité ou d’ignorance.
– 4° bien. La préservation des fautes mortelles ; ces fautes graves qui éteignent la vie divine en nos âmes.
– 5° bien. L’augmentation des vertus et la diminution des vices.
Comment je le reçois ?
Pour accéder à ces biens, il faut être baptisé catholique, n’avoir aucune faute grave non confessée sur la conscience, et être à jeun depuis au moins 1 heure avant la communion. Plus encore, il convient de se préparer, en arrivant dès le debut de la messe, en y participant extérieurement et intérieurement.
Indépendamment des secrètes dispositions du cœur, l’attitude extérieure de communier sur la langue et si on le peut, à genoux, exprime correctement ce que l’on reçoit. Jésus Hostie ne se prend pas, mais on le reçoit de la main de l’Eglise, à qui Il s’est confié. C’est le sens profond du rite. L’Eglise a de mieux en mieux compris et dit le mystère de la Présence Réelle ; alors elle a adopté ce rite, qui reste aujourd’hui encore la loi générale, au moins en droit. Cohérence.
Devenir centurion… c’est secouer l’indifférence, la tiédeur spirituelle. Communier. Communier de nouveau, mais bien et régulièrement[3]. Je suis ce serviteur pauvre et humble appelé à recevoir son Seigneur. Contrition, humilité, désir, et adoration. Désir du Sauveur, désir de sa pleine présence, de son action sanctifiante. Seigneur, descendez ! Je ne suis pas digne de vous recevoir, mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie !
[1] le mot puer désignant l’enfant mais aussi le serviteur.
[2] Le centurion est un « craignant Dieu », il connait la règle de pureté rituelle selon laquelle un israelite ne doit pas entrer chez un païen, sous peine de souillure légale.
[3] « 2 sortes de personnes doivent communier fréquemment ; les parfaits, et les imparfaits ; les parfaits le resteront, les imparfaits le deviendront en communiant » (St François de Sales).