De qui est cette image, et cette inscription ?
Ce monde porte l’inscription de Dieu, encore et toujours. Ce monde préexiste à l’homme qui en a été établi l’intendant. Ainsi, les vacances sont propices pour aller retrouver la présence d’immensité de Dieu dans la création. Les vestiges de Dieu, ses empreintes. En fait, retrouver le goût de l’être et de ses perfections. Etre de nouveau saisi, admirer de nouveau, et alors chercher, s’interroger, contempler.
J’en viens à l’être humain. De qui est l’image, et l’inscription gravée en lui ? Toute institution s’inspire, même implicitement, d’une vision de l’homme et de sa destinée. Le reste en découle ; jugement, hierarchie de valeurs, ligne de conduite. Et bien, chaque homme porte en lui l’image et l’inscription de Dieu. Cette image, c’est l’âme intelligente et libre, faite pour aimer. L’âme humaine, spirituelle et par là-même immortelle, éternelle.
Vivre selon l’âme, vivre de Dieu, c’est être vivant.
Mais c’est prodigieusement, savoureusement contre révolutionnaire de nos jours. En effet l’idéologie contemporaine tend à l’oubli, l’amnésie de l’âme humaine. Il tend à effacer, s’il se pouvait, les dernières traces de Dieu. Materialisme et successeurs ; antispecisme, wokisme, ecologisme agressif. Une planète exaltée pour elle-même, une sorte de matrice jaillie du hasard et de la nécessité, un univers fermé sur lui-même et absurde. Un théâtre où le Nom de Dieu n’est plus prononcé, mais où prospèrent les idôles. Et dans cet univers, une espèce humaine tantôt menacée tantôt prédatrice, à réguler comme on régule les nuisibles. Un conglomerat d’individus programmables, fabriqués artificiellement, indifférenciés, petits pygmées consommateurs et jouisseurs, hypnotisés et asservis, sans responsabilité et sans devoir, sans verité et sans amour, sans famille et sans patrie, sans passé et sans héritage…
Définitivement, Péguy a vu et dit juste ;
« on ne construira pas le paradis sur la terre,
c’est déjà assez d’empêcher l’enfer de le déborder. »
Alors la parole de Notre Seigneur résonne très fort. Le Christ Sauveur paya l’impôt juste aux autorités civiles de son temps. Mais son âme d’homme, sa volonté et sa liberté d’homme, il ne la donna qu’à son Père du ciel. Suprême justice. L’Eglise ne cesse de la rappeler, de la défendre[1].
« Le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont contraires aux exigences de l’ordre moral, aux droits fondamentaux des personnes ou aux enseignements de l’Evangile. Ce refus d’obéissance aux autorités civiles (…) trouve sa justification dans la distinction entre le service de Dieu et le service de la communauté politique. « (…)
Si l’autorité publique, débordant sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est objectivement demandé par le bien commun. Il leur est cependant permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre les abus du pouvoir[2].
L’enseignement authentique de l’Eglise n’exclue pas que cette résistance aille jusqu’à l’usage de la force, à de certaines conditions précises[3]. En attendant, ne rêvons pas (dans la gamme qui va des rêves d’avenir utopique aux cauchemards apocalyptiques) … Il existe une force de chaque jour, une résistance pied à pied. Dans la famille, l’Eglise, l’éducation, la transmission, le combat pour la vie. Dans la fidélité au devoir d’état. Charité forte et prudente.
Rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, certes.
Mais aussi, et autant que nécessaire, refuser à César d’usurper la place de Dieu.
Et tout cela… paisiblement. Ici, c’est très beau… Anouilh et le Général de Sonis rejoignent l’Evangile.
Tout catholique est à l’édifice comme ce grain de sable obscur, dérobé à la poussière du chemin[4].
On est un petit grain de sable, c’est tout, mais à force de mettre des grains de sable dans la machine, un jour, elle grincera et elle s’arrêtera[5].
Résistance, oui, esperance plus encore.
Calme, courage et confiance, les 3C de Notre Dame à Pellevoisin.
C’est la grâce que je vous souhaite!
[1] Rendez à tous ce qui leur est dû: à qui l’impôt, l’impôt; à qui les taxes, les taxes; à qui la crainte, la crainte; à qui l’honneur, l’honneur (Rm 13,7). Les chrétiens résident dans leur propre patrie, mais conmme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent toutes leurs charges comme des étrangers … Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre l’emporte sur les lois … Si noble est le poste que Dieu leur a assigné qu’il ne leur est pas permis de déserter (Epître à Diognète 5,5 6,10).
[2] Concile Vatican II, Gaudium et Spes, n° 74.
[3] Si se trouvent réunis les conditions suivantes: (1) en cas de violations certaines, graves et prolongées des droits fondamentaux; (2) après avoir épuisé tous les autres recours; (3) sans provoquer des désordres pires; (4) qu’il y ait un espoir fondé de réussite; (5) s’il est impossible de prévoir raisonnablement des solutions meilleures. (CEC 2243).
[4] Prière du Général de Sonis.
[5] ANOUILH, Becket ou l’honneur de Dieu.