L’oraison de ce jour évoque la grâce de visitation du Seigneur. Et son effet durable, si nous y sommes bien disposés ; la joie. Gaudium.
La joie-émotion est suscitée du dedans ou du dehors. Presque inattendue parfois, infime en son point de départ, sa cause… Euphorie légère, éphémère parfois mais néanmoins possible. Heureux qui est capable de cette émotion et l’assume avec justesse.
La joie-passion de l’âme est à mi chemin du corps et de l’esprit.
La joie-état profond de l’âme, c’est le climat stable de la vie intérieure. A cette profondeur, il faut un sujet de taille. C’est la proximité de Dieu. « Dominus prope est, le Seigneur est proche ».
Proximité. Le mot est lâché. L’Islam récuse cela, pour préserver la grandeur de Dieu. Dieu ne saurait s’approcher de nous, s’incarner. C’est faux et monstrueux. Car c’est en s’approchant de nous que Dieu montre le mieux sa grandeur et sa bonté. Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, 1 – Islam, 0. Le meilleur score de la coupe du monde de théologie !
Proximité et non promiscuité. L’Incarnation n’est pas la diminution ou la disparition de Dieu. Ou alors l’esprit humain s’épuise à « réenchanter le monde ». Après avoir évacué la création et le péché originel, l’incarnation rédemptrice, le nécessaire combat spirituel, la grâce et le péché, on essaie de toutes les utopies. Grand remplacement de l’avènement de Dieu et de son règne, par l’avènement du règne d’un homme sans différence, sans limites, sans transcendance, sans béatitude. L’histoire déploie cette alternance d’illusion et de désillusion amère. A l’optimisme naïf de l’ouverture au monde succède le pessimisme devant le meilleur des mondes décrit par Huxley.
Seuls les chrétiens peuvent échapper à la mode de « réenchanter le monde », pour autant qu’ils soient chrétiens, et le restent. Si le monde nous est aimable, c’est pour des raisons bien précises, dans la foi, appuyée par les dons de science et d’intelligence ;
- il est sorti des mains de Dieu, et en conserve la trace. « Dieu vit tout ce qu’Il avait fait, et c’était bon, très bon ».
- Il est et reste dans la main de Dieu, sa Providence. « Toutes choses sont déposées en votre volonté, Seigneur [1]».
- Mais plus encore, les mains d’un Dieu fait homme y ont été formées, elles se sont jointes pour prier, ouvertes pour consoler, élevées pour bénir, distendues en croix pour intercéder et pardonner. Les mains de Jésus ont touché ce monde et tout ce qu’il renferme de bon, elles l’ont sanctifié, restauré. « Vous l’avez créé admirablement, vous l’avez racheté plus admirablement encore ».
Enfin, ces mains saintes et vénérables ont un jour offert le sacrifice parfait, la merveilleuse adoration, la satisfaction surabondante du sacrifice de la Croix. Et depuis, chaque jour, ces mains agissent en celles du prêtre pour renouveler la merveille.
Il a habité parmi nous… Il vient, Il visite, Il entre en Personne dans le monde extérieur à nous, et dans ce monde intérieur de nos âmes. Il prend une humanité semblable à la nôtre pour nous sauver, et par grâce, il fait de chaque chrétien une humanité de surcroit où prolonger son mystère. Sujet de crainte, de joie très haute, d’attente profonde de l’âme. « Celui qui vient après moi, Il était avant moi », dit le Précurseur en peu de mots.
« Le Fils immortel assuma cette forme terrestre en lui, car Il t’aime[2] ».
« Cette parole de tendresse est pour nous un grand réconfort,
mais également une grande responsabilité, jour après jour [3]».
Donc ni réenchantement du monde, ni développement durable, mais un émerveillement spirituel.
Pas de déconstruction de l’être humain, mais une conversion, une sanctification, une rédemption.
Pas d’idéologie éblouissant par le mensonge, mais une théologie éclairant par la verité.
Pas d’optimisme béat ou de pessimisme facile, mais du réalisme chrétien, généreux et patient, humble et courageux, pour travailler au règne de Dieu en moi et autour de moi !
[1] Esther, XIII, 9.
[2] St Grégoire de Naziance, Carmina arcana.
[3] St Paul, Apôtre des Nations (Enseignements de Benoit XVI pour l’année St Paul, Artège).