Sermon de Carême
Saint Louis Marie Grignon de Montfort est un de ces saints que Dieu a sculpté. Avec la Passion et la Croix. Pour la Passion et la Croix. Henri Pourrat l’appelait l’archange et le pirate du Seigneur. Un saint de la campagne, où il aimait retrouver l’innocence de Dieu. Il sera l’apôtre de la Passion et de la Croix du Seigneur, au milieu des jansénistes et des libertins, intégristes et progressistes de son temps.
C’est un Saint Paul de chez nous… J’aimerais vous redire son panégyrique, son CV. Il vaut bien celui que nous avons entendu dans l’Epitre.
A Chartres, il vient prier à la crypte. La Vierge lui révèle son secret. Une Vierge noire, qui doit enfanter.
Elle est l’Immaculée, préservée du péché par une avance sur la Passion de Jésus.
Elle est tout en même temps l’avocate des pécheurs.
Celle qui doit enfanter ; à Béthléem elle enfante sans douleur le Christ à notre vie d’Homme. Mystère de la crèche. A Jerusalem, elle enfante dans la douleur les âmes des pécheurs à la vie de Dieu. Mystère de la Croix.
Elle sait la fécondité nécessaire de la Passion de Jésus – dans sa vie, dans celle de l’Église, dans la nôtre.
Comme Saint Paul, Louis Marie comprend que la Passion de Jésus est accomplie une fois pour toute, très parfaitement. Mais il comprend encore qu’elle se prolonge et se renouvelle dans la vie de l’Église et la nôtre. Par la Messe, par la communion à la Ste Eucharistie, par la méditation et l’imitation de cette Passion.
En plein Paris, il ne craint pas de bousculer et reprendre le chansonnier vulgaire, le vendeur de litterature obscène. Pas plus qu’il n’hésite à se jeter entre 2 duellistes à mort, en brandissant le crucifix. Et les épées s’abaissent. Et l’un d’eux sera prêtre. A Poitiers, il force la porte de l’hôpital pour un malade repoussant qu’on repoussait. Il force la porte de son propre coeur pour secourir ce malheureux, passant outre son propre dégoût. Lorsque son évêque le chasse, redoutant le qu’en dira-t-on, 400 pauvres supplient Mgr par la passion et la mort du Bon Jésus qu’on leur rende celui qui aime tant les pauvres. Il prie et prêche jusque dans les maisons de mauvaise vie. Les pécheurs s’arrêtent et pleurent, consternés.
Il s’apprête à détruire ce qui est occasion de péché pour le peuple, et à planter une croix sur la place. De nouveau, il est empêché par quelque ecclesiastique. Il reçoit la dure décision à genoux. «Mes frères, nous nous disposions à planter une croix à la porte de cette église, plantons-la dans nos cœurs…». Il se fait pèlerin jusqu’à Rome, d’où il rentre avec approbation du St Père.
Dans l’Église, rien sans l’évêque. Il connaît et accepte cette maxime de la Tradition, cette disposition mystérieuse du Seigneur. Il aura plusieurs évêques, les uns pour l’éprouver, les autres pour l’approuver. Tous, pour le sanctifier.
Il parcourt ensuite les villages et les coeurs où malgré églises et calvaires, le christianisme a à peine mordu. Lui, il veut faire de chaque fidèle un mordu du christianisme. Il envoie un frère convoquer tout le pays, cloche en main; Alerte, alerte, alerte, La mission est ouverte!
A-t-il du succès, est-il reconnu dans cet apostolat de la Croix et de la Passion? Oh oui, si l’on considère que le nombre commence à partir de 2, et peut partir de zéro ; zéro montfortain, 2 filles de la Sagesse à sa mort. Mais ensuite, 1200 prêtres, 5000 religieuses.
Est-il lu, publié, cité ? Oui, 2 siècles après sa mort.
Et en fait, peu lui importe. Ce qui compte maintenant, aujourd’hui, c’est cela ; la Passion de Jésus est un drame. On n’en est pas spectateur, mais acteur. Ici et maintenant. Et l’enjeu est simple. Se savoir pécheur et par là bourreau du Seigneur – puis se convertir et se sanctifier, et devenir ainsi consolateur, associé du Seigneur. Passer de Caïphe et Pilate à Dismas, Madeleine, Jean. Pleurer comme Pierre. Sous peine de litterature pieuse et de bavardage. Ce sont les promesses du baptême, qu’il fait renouveler à la fin de ses missions.
Lui aussi fut joyeux d’endurer quelquechose pour le Nom de Jésus; tentative d’assassinat et embuscade de nuit, tentative d’empoisonnement…
Il fut âme de prière ; à ceux qui le dérangeaient il répondait simplement; Laissez-moi ; si je ne suis pas bon pour moi-même, comment le serai-je pour les autres?»
Le voici aux Rameaux, épuisé, mais en extase ; « Je m’entretenais avec Marie, ma bonne Mère ». Il meurt un mardi saint, alors que l’on prépare l’anniversaire du Golgotha et du tombeau vide.
Alerte, alerte, alerte, la mission est ouverte!
Mes frères, voilà le thème que St Paul et St Louis Marie nous inspirent pour ce compte à rebours vers Pâques.
– devenir comme lui des archanges et des pirates du Seigneur.
– mettre à jour notre CV de fidèles baptisés, disciples du Seigneur, pour pouvoir pleinement renouveler les promesses du baptême dans la nuit pascale.
-redécouvrir avec Marie la fécondité de la Passion du Seigneur. Le laisser planter la croix dans la vie de son Eglise, et dans la nôtre.
– laisser la charité forcer la porte de notre coeur.
– laisser de côté l’inquiétude de succès, prendre les moyens de conversion et de sanctification.
– se savoir non pas spectateur mais acteur de la Passion du Christ.
– Revenir à la prière comme un pauvre, pour revenir au prochain comme un riche dépensier.
Et pour cela, commencer dès maintenant, non à trembler ou soupirer, mais à décider pour les résolutions de ce prochain Carême. C’est la grâce que je vous souhaite.
St Paul, St Louis Marie, priez pour nous !