En cette solennité du Sacré Coeur, nous entendons les mots de St Paul aux Ephésiens. Ce passage est complexe. De plus il est souvent entendu puisqu’il est repris chaque 1er vendredi du mois.
Mais dans la vie spirituelle, il y a 2 règles d’or ; ne pas reculer devant une difficulté, et répéter ce qui est important. Reprenons donc le message de l’Apôtre :
La Révélation divine est grande – il faut aller à Dieu hardiment – Une prière essentielle avec St Paul.
LA REVELATION EST GRANDE.
St Paul a compris qu’on peut être humble sans diminuer la grandeur de ce qu’on est, de ce qu’on fait.
Quelle est sa charge ? Faire connaître des choses grandes et cachées ; les secrets de Dieu, les mystères. Celui qui prêche est l’intendant des mystères de Dieu1. Il transmet des choses divines ; claires, mais en même temps incompréhensibles2. Nous pouvons les recevoir et en vivre, elles nous dépassent.
Cette communication des mystères de Dieu par l’Église, dans nos âmes, c’est l’économie du salut.
Pourquoi des choses cachées3 ? Rien d’ésoterique, non. Rien de honteux, non plus. La dissimulation attisant la mauvaise curiosité, ce n’est pas chrétien. Mais les mystères sont cachés dans le coeur de Dieu4, dans le coeur du Christ, et ensuite dans nos coeurs. C’est là qu’on les trouve pleinement, qu’on les reçoit avec profit. Ce n’est pas une petite chose d’entrer dans les secrets de Dieu.
IL FAUT ALLER A DIEU, HARDIMENT.
Pourquoi n’aurais-je pas en Dieu toute confiance, puisqu’il m’a donné Jésus ? Pourquoi n’aurais-je pas confiance en Jésus, puisqu’Il m’a donné son Coeur ?
Voilà le secret de la hardiesse, de l’audace des saints.
Voilà l’importance du Sacré Coeur de Jésus, sa vraie place dans la vie intérieure.
St Jean ne dit pas ; le côté percé, mais le côté ouvert par la lance du soldat5. C’est la porte pour entrer et avancer dans le mystère de Dieu.
LA PRIERE DE ST PAUL.
Comment demande-t-il ? Une prière humble. Je fléchis le genoux devant le Père de Notre Seigneur Jésus Christ – écho de la prière de Manassé ; Je fléchis le genou de mon coeur ! (Chroniques). Celui qui fléchit les genoux se rapetisse, il se met dans la dépendance à l’égard de celui devant lequel il prend cette posture. (St Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’Epitre aux Ephésiens). C’est l’homme à genoux devant Dieu qui est grand, c’est lui qui pourra tenir debout ensuite devant les hommes, et faire face aux épreuves. Le Général de Sonis s’agenouillait devant le Sacré Coeur. Terrassé extérieurement sur le champ de bataille, il était debout intérieurement, soutenu par ce même Sacré Coeur. « Affermi puissamment au profit de l’homme intérieur« … Il fit face aux attitudes, aux actes antichrétiens.
Que demande-t-il ?
Que le Christ habite dans vos coeurs par la foi. Y pensons-nous assez, mes frères ? La foi, les actes de foi ont cet effet merveilleux ; nous faire habiter en Dieu, et Dieu en nous. Demeurez en moi, et moi en vous.
Que vous soyiez enracinés dans la charité, fondés sur elle. La charité est la racine et le fondement de la vie chrétienne. Et elle s’épanouit dans la connaissance de Dieu. La saisie de Dieu.
Pour comprendre avec tous les saints la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur… Aucun double décimètre, aucun laser, aucun satellite ne peut mesurer cela… Comprendre Dieu, aucune créature ne le peut6. Mais le saisir, le posséder, le recevoir, oui7 !
Cette étendue de Dieu, cette mesure est spirituelle. Sa largeur, c’est sa puissance infinie. Sa hauteur, c’est la perfection, la noblesse de la divinité8. Sa profondeur enfin, c’est sa sagesse. Voilà le bout, le terme de la vie surnaturelle ; connaître l’étendue infinie de Dieu.
Enfin connaître la charité du Christ. « O tendresse inestimable de votre amour; pour racheter un serviteur, vous avez livré votre Fils !9 ». C’est pourquoi le Sacré Coeur est surmonté d’une flamme et d’une croix: c’est le Foyer brûlant de charité ! Il est surmonté de la croix, instrument de mesure de la charité. Dans la vie de Jésus et la nôtre, c’est la croix qui révèle la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de la charité.
La largeur de la charité, c’est son extension jusqu’à nos ennemis.
Sa longueur, c’est la perseverance ; elle ne se lasse pas ; commencée ici, elle demeure et s’épanouit dans l’éternité10.
Sa hauteur, c’est d’aimer Dieu et les choses de Dieu, sans se limiter aux avantages matériels que cela apporte ou enlève11.
Sa profondeur enfin, c’est le Saint Esprit ; il scrute et sonde les profondeurs de Dieu, et c’est de Lui que vient la charité mise en nos âmes12.
Etre comblés, remplis. St Paul souhaite la meilleure connaissance du Christ et de Dieu, celle de la ressemblance. Il demande pour les âmes la plénitude des vertus, et ensuite la pleine béatitude.
Grandeur de la révélation – hardiesse légitime pour aller à Dieu – prière fervente avec St Paul… Voilà le trésor. Et tout cela se retrouve dans le Sacré Coeur de Jésus.
Qu’il soit au centre de l’Église catholique, de notre civilisation et de notre patrie, de nos familles et de nos écoles, de nos unités scoutes. « Là où est ton trésor, là aussi soit ton coeur ! » Amen.
1I Cor IV, 1.
2Puissiez-vous connaître [ce qui] surpasse toute connaissance. C’est la volonté surprenante de St Paul en fin d’épître !
3L’Église en instruit les bons anges. La terre peut-elle instruire le ciel, les hommes enseigner les anges de Dieu? En fait certains mystères surnaturels sont cachés aux créatures, et connus ensuite parce qu’on en voit les effets. Ainsi les effets du salut se manifestent peu à peu dans la vie de l’Église. C’est comme un magnifique projet d’église, d’abord caché dans l’esprit de son architecte. On sait qu’il a ce beau projet grandiose… mais on ne le découvre que lorsque le chantier commence et avance.
4 Ou le « sein du Père » (Jn I), ou encore les profondeurs de Dieu (St Paul).
5Ce n’est donc pas un simple constat médical un peu morbide, sur une éxécution capitale – ni une mention de savoir faire technique pour le coup de grâce… C’est un témoignage ; témoignage oculaire d’un apôtre, d’autant plus fort qu’il est redoublé.
6« Il est plus élevé que le ciel; que ferez-vous pour l’atteindre ?
Il est plus profond que l’enfer, comment le connaître ?
Sa mesure est plus longue que la terre, elle est plus large que la mer. » (Job 9, 8).
« Combien grande est sa profondeur; et qui pourra la sonder ? » (Ecclesiaste 7, 5)
7Cf Ephrem de Nisibe (ou Ephrem le Syrien), Hymnes du Paradis, I, 3 ; « Puis mon esprit vola,/ mais pris de peur, erra,/ en scrutant sa splendeur,/ non pas en son essence,/ mais autant qu’il est accordé à l’homme de l’étreindre ».
8« Gloire à Dieu au plus haut des cieux… Vous seul êtes le Très Haut Jésus Christ ! » (Gloria de la Messe).
9St Grégoire, Exsultet de la Vigile Pascale.
10I Cor XIII, 8 et Cant VIII, 7.
11Pertinence du cérémonial de promesse. « Quel avantage matériel en attends-tu ? Aucun ».
12Romains V, 5.