Le cœur du Maître et de son disciple est ouvert et dilaté – pauvre et dégagé !
2 religieux sont dans un tramway près de Biarritz. Près d’eux, une maman tient un enfant dans ses bras. L’un d’eux dit; «Voyez, cela me fait penser au Bon Dieu… Voilà que nous sommes entre ses bras1».
Il faut savoir que celui qui dit cela est un dominicain frappé par une anémie cérébrale qui le laissera affaibli toute sa vie. Et donc, incapable d’étudier, de chanter l’office, de prêcher et de méditer. Pour un dominicain, c’est à peu près pareil que d’être pilote d’avion et amputé des jambes.
Et bien ce religieux usé par la vie mais aiguisé par Dieu sera un des maîtres spirituels du 20° siècle. Il pourra écrire; «Jésus ne nous aime pas parce que nous sommes bons (il faut l’être néanmoins!). Il nous aime parce qu’Il est bon, d’une bonté qui trouve dans notre pauvreté et nos déficiences une raison nouvelle de s’incliner vers nous avec plus de tendresse encore2». Il passera des années à célébrer la Messe3, accueillir, guider, encourager, confesser … Ermite au creux du rocher de la Sainte Baume, lieu de retraite de Ste Marie Madeleine.
Fêter le Sacré Coeur, c’est cela.
Se rappeler qu’on est toujours dans la main de Dieu4, le cœur de Dieu.
Garder un cœur ouvert et dilaté, un cœur pauvre et dégagé.
Chers frères et sœurs, cette solennité du Sacré Coeur nous touche. Pour bien des raisons, hautes et humbles, grandes et petites.
D’abord nous sommes héritiers non seulement de belles pierres mais de l’esprit. Cette église fut un bastion du Sacré Coeur dans la Beauce déjà affaiblie et délabrée spirituellement à la veille de la Révolution.
Elle nous touche peut-être par des suspicions d’hier et d’aujourd’hui envers le culte du Sacré Coeur.
« C’est une option – un jus pieux ; sentimental, pas intellectuel, donc peu intéressant pour l’esprit et la volonté. Dévotion féminine! – C’est doloriste, rétrécissant; humilité, patience, douceur, pénitence ».
J’y réponds pour l’honneur du Sacré Coeur.
Pour commencer ; avant d’être telle ou telle pratique, le culte du Sacré Coeur, c’est quoi? La forme de religion la plus estimable5. Une volonté. Une volonté pleine et absolue de se vouer et consacrer à l’amour du divin Rédempteur6. Rendre amour pour amour à ce divin amour. Union de volonté avec le Christ. Et donc pleine fidélité à son Eglise catholique,à ses commandements, à ses dogmes. Jonction et justesse de la doctrine, de la piété et de la charité vraie. Dans ce cœur sont les trésors de la sagesse et de la science divine7.
Ensuite, et très concrètement, il y a de la place à (re) prendre devant le St Sacrement, en courte visite ou adoration prolongé. Il y a de la place au 1er vendredi du mois comme à la Messe du mercredi. Il y a une intronisation du Sacré Coeur dans les familles où l’homme, le père a toute sa place! On peut donc adorer, honorer, invoquer le Sacré Coeur à parité. Il y a 12 promesses à Paray le Monial, et si elles sont reçues par une femme, Ste Marguerite Marie, elles sont appuyées et transmises par un homme, St Claude la Colombière.
Enfin, et ce n’est pas la moindre raison, il y a un lien privilégié de la France avec le Sacré Coeur. Paray le Monial, la Vendée, Montmartre, Loublande, Loigny la Bataille… Ce sont nos hauts lieux. Jean Eudes, Marguerite Marie, Gaston de Sonis, Charles de Foucault… Ce sont nos gloires nationales. Et nous nous réjouissons d’ailleurs de la canonisation prochaine du frère Charles de Jésus!
Ces âmes ne sont pas seulement du ciel, elles sont d’une terre, d’un pays, d’une civilisation chrétienne. Or l’amour divin n’a pas supprimé mais sublimé en eux ces attaches légitimes. Car la charité, quand elle n’est pas folle8, aime tous les biens selon un ordre de priorité.
Avis aux maîtres du pathos émotionnel vaguement trempé d’eau bénite, aux tortionnaires de la mauvaise conscience devenue matière plastique. Ils croient aimer bien le Bon Dieu, parce qu’ils n’aiment rien ! Et ils font de la haine de soi le top du top de l’universalisme chrétien.
Pitié, mon Dieu! De telles sottises sont graves, et si le ridicule ne tue pas en général, il peut être mortel pour les âmes en matière de foi et de pensée.
Mes frères, tournez-vous vers le Sacré Coeur ; Coeur ouvert et dilaté – Coeur pauvre et dégagé;
« Venez à moi, vous tous qui peinez et qui ployez sous le fardeau, et moi je referai vos forces. Mettez-vos à mon école, apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes ».
Retrouvez le temps de la messe et de l’adoration si possible durant ces jours de vacances. La messe est la pulsation continue du Coeur de Dieu envoyant dans tous les membres de l’Eglise les grâces nécessaires.
Priez pour la France, en union avec les nombreuses consécrations qui ont eu lieu ces derniers jours.
Gardez ou retrouvez à l’école du Sacré Coeur un cœur ouvert et dilaté, un cœur pauvre et dégagé, amen !
1 Echo du psaume 130/131, 2; «Je tiens mon âme en paix comme un petit enfant sur le cœur de sa mère». Cf aussi Isaïe, XLIX, 15-16.
2 Cf I Jn IV, 10 ; Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés.
3 j’allais dire seulement, mais quand on devine, quand on découvre, quand on apprend un peu ce que c’est que la Messe!
4Charles Péguy, Mystère de la Charité de Jehanne.
5Léon XIII.
6Pie XII, Haurietis Aquas 1956.
7Litanies du Sacré Coeur de Jésus.
8 Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie (1908)