… Qui craint le grand méchant loup?
MBCF et S,
Aujourd’hui, je voudrais repartir de cet air et d’une histoire connue, pour la transposer à la vie intérieure. Je m’en servirai pour rappeler les ruses du démon, adversaire de l’âme.
Enfin je terminerai avec l’application à notre conduite; un constat et quelques avis pratiques.
« Qui craint le grand méchant loup ?«
D’aucuns parmi nous ont entendu et repris cette ritournelle d’un célèbre dessin animé1. Pour ceux qui préfèrent ce côté de l’Atlantique, il y a le célèbre Conte de Grimm2. Dans les 2 cas, on voit ledit méchant loup tenter de s’introduire dans la maison pour dévorer sa proie. Par violence, il échoue. Il tente alors la ruse, se dissimulant sous une peau de brebis, couvrant sa griffe de farine blanche. Ca marche chez Grimm, pas chez Walt Disney. Mais tout de même, ça marche une fois sur deux!
Transposons maintenant l’image à la vie chrétienne.
Dissimulation. Séduction. Appel au mal, attirance vers le mal sous apparence de bien. Dans ses célèbres règles de discernement spirituel, Saint Ignace nous décrit l’action du démon et la conduite à tenir dans la vie intérieure.
- Manipulateur, il agit par insinuation et exerce sa cruauté à proportion de la faiblesse de l’âme, ou perd pied et recule à proportion de la détermination de l’âme.
- Séducteur, il ne craint rien tant que d’être découvert, par l’ouverture du cœur, l’aveu de la tentation ou de la chute à une personne spirituelle et un bon conseil.
- Enfin, chef militaire, il cherche le point faible, fait le tour de l’âme, essaie de repérer le talon d’Achille.
Qui sont les loups déguisés en agneaux?
Ceux qui par nature ou par fonction, sont tenus d’enseigner et d’éduquer les autres. … Ceux qui manipulant l’opinion publique, la détournent des valeurs morales. Celui qui use du pouvoir dont il dispose pour entrainer en mal se rend coupable de scandale et responsable du mal qu’il a directement ou indirectement favorisé. « Malheur à celui par qui le scandale arrive »3 (Lc XVII, 1).
Cette mise en garde concerne au premier plan les médias, les autorités, civiles ou ecclesiastiques, les éducateurs humains ou spirituels. Tous ceux qui ont reçu une responsabilité, une autorité sur eux-mêmes et sur autrui.
Quelle conduite à tenir ?
La foi… Et les œuvres de la foi. La cohérence. «On croit de cœur en vue de la justification, mais on professe la foi en vue du salut» (Rom X, 10). En clair, la vertu théologale de foi est le tout premier commencement de vie intérieure. Mais la foi vivifiée par la charité, incarnée dans toute la vie, par les œuvres de la foi, est l’achèvement de la vie intérieure. La foi et la vie vertueuse sont inséparables ; il y a une suite logique entre les 2. Parce que croire, c’est adhérer à des verités qui sauvent, mais cela change la vie. Il y a logiquement une conformité, un accord, une fécondité de la verité dans la conduite humaine. La tradition spirituelle nous dit que tout homme est appelé à 3 conversions; conversion métaphysique, quand l’esprit se tourne vers le vrai et le bien pour le chercher – conversion de la foi, quand l’esprit adhère au message du Christ, aux grands mystères du Credo, à Dieu – conversion des mœurs quand l’homme tout entier travaille à faire passer dans sa vie l’ordre de la charité4. Travail quotidien, patient, renouvelé. Œuvre de grâce d’abord, certes. Mais aussi de cooperation à la grâce. Donc de décision, de résolution. Una determinacion bien determinada, une determination bien arrêtée est nécessaire à toute vie spirituelle sérieuse, dit Ste Thérèse d’Avila!
Ici arrive le constat… il pique un peu.
Faisons le point, le « contrôle qualité »… Est-ce que je pratique l’examen de conscience, et comment? Comment et quand je me confesse? Quelle est ma dernière résolution prise (le singulier va bien avec ce mot)5?
Peut-être trouverons-nous alors la raison objective des reculs ou des manques de progrès.
Trop de conditionnel. Une grammaire de l’existence conjuguée au futur imparfait et improbable.
Telle hésitation, telle velleité, tel acte imparfait.
Une décision sans lendemain, précipitée, sans prière et sans bon conseil. Prise un jour, oubliée ou abandonnée peu après.
Dans la grammaire des saints, il y a « Je peux tout en celui qui me fortifie » – « je veux, et je veux comme vous voulez, Seigneur» – « Je fais»… Et aussi, soyons lucides; «je recommence». Enfin il y a, en tout et par dessus tout ; « J’ai confiance que Celui qui a commencé en moi cette œuvre bonne l’achèvera » ! Car Dieu ne fait rien à moitié.
Ce ne sont pas ceux qui me disent ; «Seigneur, Seigneur!»
qui entreront dans le Royaume des cieux,
mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux.
1Les Trois Petits Cochons apparaissent pour la première fois sous forme imprimée dans les Nursery Rhymes of England de James Halliwell (Londres et New York, 18861), qui aurait recueilli l’histoire auprès d’une nourrice. Adapté par les studios Disney en 1933.
2 Le Loup et les Sept Chevreaux (en allemand : Der Wolf und die sieben jungen Geißlein) est un conte populaire allemand qui figure parmi ceux recueillis par les frères Grimm dans le premier volume de Contes de l’enfance et du foyer (Kinder- und Hausmärchen, 1812, no KHM 5).
3(CEC 2285-86).
4« Il m’a placé dans l’ordre de la charité », dit le Cantique des cantiques.
5Cf article de l’abbé Louis Baudon de Mony, FSSP, in Lettre aux Amis et aux Bienfaiteurs.