Au Nom du Père et du Fils et du saint Esprit,
Mes Bien Chers Frères et Soeurs,
L’empêchement de l’assistance au culte sans restriction peut légitimement nous peser, nous indigner, même. Il ne doit pas nous détourner des choses de Dieu. Et je crois qu’il est bon pour cela de fixer son regard très haut. D’où cette petite suite de sermons sur les fins dernières.
Nous avons entrevu le ciel à la Toussaint.
Nous avons encore regardé le purgatoire au jour des défunts.
Il nous faut maintenant parler de l’enfer. Pourquoi? Parce que c’est vrai. Jésus nous en a parlé, et l’Eglise aussi, sans risque de se tromper. Et les saints également.
Je commence par une histoire vraie. Un aveugle descendait chaque jour une rue en Espagne, sous les fenêtres d’un étudiant. Un jour, un profond fossé de chantier coupe cette rue. Et voici l’aveugle qui descend. L’étudiant crie ; « Ciego, ciego, detente ! » – l’aveugle choqué et obstiné continue. L’étudiant accourt et le saisit par derrière, in extremis. L’aveugle le bourre de coup et d’insulte. Quel manque de respect! L’étudiant guide la main de l’aveugle, sa canne sonde le vide béant. Il se retourne alors en larmes, et embrasse l’étudiant. Gracias!
Pourquoi parler de l’enfer? Et comment? Et bien… de manière à l’éviter.
Un silence assourdissant entoure les fins dernières, et l’enfer en particulier;
«Ne parlez pas de cela. L’enfer n’existe pas. Ou alors, il est vide – ou bien il le sera à la fin. Il est inimaginable pour la miséricorde de Dieu. Et puis, de toute façon, c’est pas pour moi». Ou alors, cette remarque bien compréhensible; «Allez, une peur de plus! N’en rajoutez pas, notre contexte actuel nous semble déjà un enfer, ou du moins un purgatoire sur terre…».
Ceci dit, j’entends aussi d’autres voix.
L’intuition de l’Hadès et du Tartare, dans la pensée et la philosophie païenne, cet héritage que l’Eglise accueille et assume en le purifiant1.
J’entends les prophètes de l’Ancien Testament, dont Isaïe2.
J’entends Notre Seigneur parler de l’enfer dans les Evangiles… 50 fois! Dans ses paraboles.. Ecoutez les vierges insensées; «Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous! Je ne vous connais pas»- Ecoutez les invités à la noce; «Toi, mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noces? (L’autre reste muet). Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. Là seront les pleurs et les grincements de dent».
Jésus montre encore la Géhenne… Un lieu maudit au sud ouest de Jerusalem. Maudit à cause du culte aux idôles, des sacrifices humains, … lieu impur où sont reclus les lépreux, puis déchetterie où l’on brûle continuellement les ordures. Et de ce lieu visible, Il passe à une autre Géhenne invisible où le feu ne s’éteint pas, et le ver ne meurt pas. Enfin Jésus anticipe le dernier jugement; «Loin de moi, maudits, au feu éternel préparé pour le démon et ceux qui le servent».
J’entends la voix authentique de son Eglise; «L’enfer consiste dans la damnation éternelle de ceux qui, par libre choix, meurent en état de péché mortel. La peine principale de l’enfer est la séparation éternelle de Dieu3. Dieu ne prédestine personne à aller en enfer; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la fin4.
J’entends encore Notre Dame à Fatima. Elle montre l’enfer à 3 enfants, Lucie, Francesco, Jacinta. Puis elle explique; «Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs5… Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs. Car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles6.»
J’entends les saints; St Paul aujourd’hui ; la fin des ennemis de la croix du Christ est la perdition. Et puis Ste Thérèse d’Avila, St Jean Bosco, Ste Faustine elle-même; la perte (définitive) de Dieu, les perpétuels remords de conscience, une peine éternelle, un feu qui brûle sans détruire, des ténèbres continuelles, la compagnie du démon7…
Alors, oui, ne jamais parler de l’enfer est une omission grave.
Dire qu’il n’existe pas est un mensonge. Dire qu’il est vide, ou qu’il le sera à la fin est une très grave déformation. Je ne souhaite l’enfer à personne. Encore faut-il connaître ce risque réel pour l’éviter.
Il n’est pas un échec à la miséricorde divine.
D’abord, Dieu ne nous programme pas à y tomber, et nous donne les moyens suffisants de l’éviter. On va en enfer volontairement, par obstination8; c’est une autoexclusion définitive de la communion avec Dieu9. Conséquence d’un choix libre contre Dieu, l’enfer est la preuve la plus forte de la liberté humaine, et de l’amour divin. Ce choix, c’est le péché mortel dans ma vie. La porte de l’enfer est l’endurcissement volontaire dans ce péché, l’impénitence finale.
Ensuite la miséricorde de Dieu a disposé que seul le temps de l’enfer serait sans fin, et les peines limitées en quantité. En toute justice il aurait pu leur infliger une peine plus grande qu’il ne fait. (Ste Catherine de Gênes).
Je terminerai par deux voix ; celle d’un enfant et d’un prêtre.
La Bienheureuse Jacinthe, vive, joyeuse et sensible, comprend et n’oublie pas ;
«Oh, l’enfer! Oh, l’enfer! Que j’ai pitié des âmes qui vont en enfer! Ô mon Jésus! Pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer et attirez toutes les âmes au Ciel, principalement celles qui en ont le plus besoin… Il faut prier beaucoup pour faire échapper les âmes à l’enfer! Il y en a tant qui y vont! Il y en a tant! Pourquoi (on) ne montre pas l’enfer aux pécheurs? S’ils le voyaient, ils ne pécheraient plus, pour ne pas y aller».
Le Curé d’Ars nous redonne la perspective de l’essentiel:
«Je vous aime, ô mon Dieu. Je ne désire le ciel que pour avoir le bonheur de vous y aimer toujours. Je ne redoute l’enfer que parce que l’on y aura jamais la consolation de vous aimer. »
Toujours, jamais, c’est définitif.
Mes amis, Dieu est bon de nous avoir dit qu’il y a un ciel; promesse et don gratuit pour nous attirer au bien. Dieu est sage de nous avoir dit qu’il y a un enfer; risque et peine possible pour nous garder du mal, ou nous en arracher. Dieu est miséricordieux enfin de nous avoir donné Marie Porte du ciel, et son Coeur immaculé comme rempart contre l’enfer.
N’oublions et ne taisons ni l’un ni l’autre.
Ayons avec Marie cette vraie pitié des pécheurs,
cette prière pour les pécheurs:
vous, moi, les autres, amen!
1 « J’ai bon espoir que, pour les morts, quelque chose existe, et, comme cela se dit du reste depuis longtemps, quelque chose qui est bien meilleur pour les bons que pour les mauvais ». Platon, le Phédon.
2 «Sortant de ce monde, les élus verront les corps des hommes qui se sont rebellés contre moi; Car leur ver ne mourra point, et leur feu ne s’éteindra point; Et ils seront pour tout être vivant un objet d’horreur » Isaïe, LXVI, 24.
3Compendium, Abrégé du catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 215.
4Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1037.
5Apparition du 13 juillet 1917.
6Apparition du 19 aout 1917.
7 Petit Journal de la Miséricorde, n° 740.
8 Les damnés « demeurent dans cette malice désespérée, opposée à la volonté de Dieu. On voit par là que cette opposition de la volonté mauvaise à la volonté de Dieu est cela même qui constitue le péché. Comme leur volonté s’obstine dans le mal, le péché aussi se maintient. Ceux de l’enfer sont sortis de cette vie avec leur volonté mauvaise. Aussi leur péché n’est pas remis et ne peut l’être, parce qu’ils ne peuvent plus changer de volonté, une fois qu’ils sont sortis ainsi disposés de cette vie. (…) Dieu montre sa bonté même envers les damnés . Ce châtiment des damnés n’est pas infini en quantité. La raison en est que la douce bonté divine étend le rayon de sa miséricorde jusqu’en enfer. En effet, l’homme décédé en état de péché mortel mérite un châtiment infini et pour un temps infini. Mais la miséricorde de Dieu a disposé que seul le temps serait sans fin, et les peines limitées en quantité. En toute justice il aurait pu leur infliger une peine plus grande qu’il ne fait. Oh! quel est le danger du péché commis par mauvais vouloir! C’est à grand-peine que l’homme s’en repent, et tant qu’il n’en a pas de repentir, le péché demeure et ce péché continue aussi longtemps que l’homme reste dans la volonté du péché qu’il a commis ou dans celle de le commettre ». (Ste Catherine de Gênes).
9 «Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot « enfer» (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1033).