Ne me touche pas – Voyez, et touchez – Approche, mets ton doigt dans les endroits des clous, mets ta main dans mon côté.
Mes Bien Chers Frères et Soeurs,
Jésus ressuscité est-il indécis? Ou bien fait-Il acception de personnes?
On pourrait penser que Notre Seigneur est indécis.
L’indécision est une imperfection de l’esprit; pas forcément volontaire. Alors on n’arrive pas à juger et conclure même après information, verification et application suffisante. On ne tranche pas, on ne décide pas, on change sans cesse et sans motif.
On pourrait encore penser que Notre Seigneur fait acception de personne.
Il est injuste d’accorder aux uns ce qu’on refuse aux autres, quand on doit même chose aux 2. Relisons les animaux malades de la Peste, de la Fontaine. Et ne crions pas trop vite haro sur le baudet au sujet de St Thomas… Il nous ressemble tant…
L’attitude de Jésus n’est ni indécision, ni acception de personne.
Par contre, Il se montre pédagogue pour susciter et perfectionner la foi de son auditoire, affermir l’adhésion de ses disciples à la verité de sa résurrection. Et Il s’adapte aux âmes.
Madeleine, c’est la promptitude de la foi ex auditu. « Jardinier, on a enlevé mon seigneur et je ne sais où on l’a mis. Si c’est toi qui l’a pris, dis-moi où il est, et j’irai le prendre – Marie! – Rabbouni, bon Maître! – Ne me touche pas, va vers mes frères… dis-leur» L’autorité de Dieu qui se révèle lui suffit. Les preuves, signes, arguments de crédibilité, tout ce qui montre qu’il est possible et même bon de croire passe au second plan. Elle est prête à croire «sans contact», sans toucher. Elle s’appuie d’avantage sur l’autorité de la parole divine. Jésus l’a-t-Il dit? cela suffit.
Les apôtres et St Thomas c’est le temps long de l’enquête, la crédibilité. La résurrection de Jésus, promesse sans lendemain… difficile à recevoir, plus difficile encore à transmettre? Est-ce un fantôme, un mirage, une illusion d’optique? Si on ne le voit pas soi-même, si on ne le touche pas soi-même, peut-on le croire? «Approchez. Voyez, touchez. C’est bien moi. Un fantôme n’a pas de chair et d’os comme vous voyez que j’en ai (aujourd’hui, on dirait un hologramme, peut-être) – Approche, Thomas. Mets ton doigt… mets ta main. Ne sois plus incrédule. Sois fidèle». Les preuves, signes, arguments de crédibilité sont bons, légitimes dans la vie intérieure. Nous avons besoin de tombeaux vide, de linceul plié, de pierre roulée, de paroles de témoins fiables et nombreux, d’apparitions verifiées du Christ, de sources incontestables. Cela aide à croire. Non pas à démontrer la foi; ce serait voir et non plus croire. Mais à démontrer qu’il est possible de croire.
Le Seigneur donne à chaque témoin de la résurrection une grâce actuelle, un secours de foi approprié. Et ils le reçoivent.
Mais le Seigneur veut en faire tout autant pour nous, mes bien chers frères et sœurs. Et pour cela, il passe par les médiations de la foi.
Maintenant, entendons la question; «Quand le Fils de l’homme reviendra sur terre, trouvera-t-il encore la foi? Et dans ton âme, tes pensées, tes paroles, tes actes, ta vie, la cohérence de la foi?» Méritons-nous le reproche doux et ferme de Jésus aux disciples du Cénacle, d’Emmaüs, du mont des oliviers; «Coeurs lents à croire, esprits sans intelligence, durs de coeur».
Il faut donc être, non pas sévère, mais reconnaissant à St Thomas. Il nous montre ce que c’est que croire. Ce qu’est la foi.
D’abord cela regarde des choses surnaturelles, des mystères divins.
La crédulité, la disposition à dire; «ceci est vrai, j’adhère», sur la parole d’un autre, c’est bien.
Dans les choses humaines, il le faut; ni trop, ni trop peu. Pas de crédulité légère, c’est le commencement des manipulations (1 point pour St Thomas, donc). Pas d’incrédulité absolue non plus, c’est la mort de la confiance et de la bienveillance dans les relations avec le prochain. En contrepartie, verité, franchise. Corrigeons ici ce qu’il faut.
Dans les choses divines, c’est un peu différent. Il est permis de faire crédit; à Dieu d’abord, Verité première (et ce fut là le 1er manquement de St Thomas);
- Ne pouvez-vous d’abord toucher mes yeux ?
- Ne peux-tu donc me faire crédit un seul jour ?
- Vous pouvez tout, Seigneur !
- Tu peux tout. (…) Il n’est pas de bornes à ta liberté que mon amour1.
Ensuite faire crédit à ses intermédiaires fiables, authentiques (et ce fut là le 2ème manquement de St Thomas). «Celui qui a vu a rendu témoignage, son témoignage est véridique. Il sait qu’il dit vrai, afin que vous aussi, vous croyiez – Nous avons vu le Seigneur». Nous croyons la même chose que les apôtres, en nous appuyant sur leur témoignage. Il est gardé par l’Eglise, règle prochaine de notre foi.
Croire en recevant les secours de Dieu ; la vertu surnaturelle de foi avec les dons de science et d’intelligence.
Croire mieux, en acceptant de s’appuyer sur la parole du Seigneur d’abord.
Croire mieux en cherchant les raisons de croire. Pour soi-même et le prochain.
Croire enfin en gardant ce témoignage apostolique solide et fiable ; Jésus est le Fils de Dieu mort et ressuscité, Il est l’unique sauveur de tous les hommes, et son Eglise catholique possède et propose seule la plénitude des moyens de salut et de sainteté.
C’est l’enjeu du catéchisme, des entretiens spirituels, de la formation. Nos questions, nos objections, nos hésitations sont légitimes, normales ! Pourvu que nous en cherchions solution dans la prière, la formation, l’éclairage d’un major in fide, un plus grand dans la foi, un frère dans la foi.
Voilà la possibilité merveilleuse de venir, de revenir à la foi ou d’avancer dans la foi. Et bien c’est tout le programme spirituel de ce temps liturgique, la béatitude pascale.
Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu!
1Ernest PSICHARI, Le voyage du centurion.