Mes bien chers frères et soeurs,
On peut sans exagérer appeler ce 5e dimanche le dimanche de la justice.
Justice de Dieu et de sa grâce, justice de la conduite chrétienne, justice de la Messe.
Qu’est-ce que la justice?
La justice est une vertu, une qualité stable, efficace pour agir droitement. C’est la ferme et constante volonté de rendre à chacun ce qui lui est dû1. La plus grande des vertus humaines après la prudence. Ce n’est pas la prétendue égalité de nos jours, la «non-discrimination», ou le légalisme; la loi, un point c’est tout… Car ces expressions faussées couvrent de vrais dénis de justice.
Justice de Dieu et de la grâce.
Dieu est juste en tout. Dans le fait d’accorder le ciel au pécheur pénitent, en état de grâce – ou de décider l’enfer, la géhenne de feu pour l’âme impénitente qui s’endurcit, s’obstine, reste dans le péché grave jusqu’au bout.
Dieu donne 2 choses à tout homme, suffisamment;
- D’abord une capacité, une certaine aptitude au bonheur. C’est le désir naturel d’être heureux. Cela suffit-il à recevoir, comme un dû, la vision de Dieu face à face? Non. On n’atteint pas une cible à 1000 mètres avec un arc. Le ciel promis dépasse toute capacité de chercher et d’atteindre du cœur de l’homme. Nous sommes capables2 de Dieu, nous ne sommes pas proportionnés à Dieu.
- Ensuite Dieu offre la grâce, le germe de la vie éternelle. L’arbre et le fruit sont le plein déploiement du germe. De même le ciel et la gloire divine sont le plein déploiement de la grâce. Dieu donne le désir surnaturel de le voir. Un désir proportionné, de même ordre que le ciel. Une tension de même mesure que Dieu, surnaturelle.
Ce rappel montre ce qu’est la vie intérieure. Son centre; la grâce. Par ricochet, cela nous fait mieux connaître, estimer, fréquenter les sources de la grâce; la prière, les sacrements, la messe.
Justice de la conduite chrétienne.
Ainsi s’allume dans l’âme l’amoris affectum, le mouvement d’amour divin proportionné à Dieu. La charité théologale. Elle nous pousse à aimer, désirer, rechercher ce que Dieu nous a promis.
Comment? En observant les commandements. Seulement, si le but est surélevé, ainsi que les moyens de l’atteindre, cela change la vie.
Le but c’est Dieu. Dieu aimable en tout et par-dessus tout. Tout bien que je vois en moi et chez le prochain est un point de départ, une occasion d’aimer Dieu.
Le chemin, c’est les commandements de Dieu. Mais avec une mesure nouvelle, une exigence nouvelle. Un dépassement.
Quand je dépasse une voiture, je ne l’envoie pas dans le fossé! Quand je dépasse en taille une personne, je ne la fais pas disparaitre! Jésus dit que la justice de ses disciples dépasse celle des scribes et des pharisiens. Il n’annule pas la justice au nom de la charité et de la miséricorde. Ce que Jésus dit, c’est que la charité peut dépasser la justice, mais ne la contredit pas. La justice est le premier niveau de la charité. Il est donc incohérent de piétiner la justice élémentaire à portée de tout homme, sous prétexte de charité.
L’épitre du jour rappelle quelques fondamentaux à ce sujet ; «Garder sa langue du mal, ne pas prononcer le mensonge. Se détourner du mal et faire le bien; chercher la paix et la poursuivre». C’est utile en temps de confusion. C’est encourageant pour ne pas envier ceux qui font le mal, et perséverer dans le bien sans amertume, sans dureté, sans orgueil3.
Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens… Finalement, c’est parce que Dieu me dépasse que ma conduite chrétienne dépasse la conduite ordinaire.
Enfin la justice de la Messe, offrande présentée devant Dieu4.
Jésus infiniment saint s’offre tout entier par les mains du prêtre. Il est le Prêtre et la Victime, celui qui offre et qui est offert. Le Père éternel redit alors; «Tu es mon fils bien aimé, et tu as toute ma complaisance». Il ne peut le refuser, Il ne peut rien lui refuser.
Chaque messe est une satisfaction, une compensation surabondante pour le péché du monde. C’est un contrepoids au basculement du monde dans le mal. Chaque messe fait plus de bien aux yeux de Dieu que le péché ne fait de mal.
Cette propitiation pour les péchés, cette orientation essentielle de la messe est une raison d’attachement à la liturgie traditionnelle. Parce que ces rites, ces prières l’expriment clairement, adéquatement, en particulier l’Offertoire. Ce n’est pas seulement beau, c’est vrai.
Mes frères, méditons cette justice divine, avec ses dons et ses exigences. Ne cédons pas ensuite à l’injustice, ne la cautionnons pas ; ni dans l’Eglise, ni dans notre pays, ni dans nos familles, nos amitiés. Enfin, aimons la Messe, vivons-en. Allons-y pourquoi pas un peu plus que d’habitude si l’occasion se présente, ça fait partie des loisirs chrétiens!
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1St Thomas d’Aquin.
2Saint Augustin.
3Souffrir à cause de la justice peut s’entendre de 2 manières;
- soit j’assume les conséquences d’un acte mauvais, une peine proportionnée à un choix injuste. C’est une responsabilité, devant Dieu et les hommes.
- Soit j’endure, à cause de la justice, et pour y être fidèle, quelque contradiction. Ce n’est pas un plaisir, certes. C’est plus, et mieux; c’est une béatitude.
Ce qui préserve la paix, c’est de savoir le regard de Dieu sur nous, à tout instant. «Les yeux du Seigneur sont posés sur les justes, et ses oreilles attentives à leurs prières; mais la face du Seigneur est sur ceux qui font le mal».
4Evangile du jour.