Mes chers enfants,
Savez-vous ce qu’est le levain, ou levure? Un peu de farine fermentée dans de l’eau. Puis on met une pincée de cette levure dans de la farine et un peu d’eau, et on laisse gonfler. On obtient alors une bonne pâte.
Telle est la recette pour préparer le Royaume de Dieu.
Du levain spirituel… Jésus a choisi et sanctifié une petite pincée d’hommes, des apôtres, des saintes femmes, des disciples, pour fonder l’Eglise catholique.
Puis beaucoup de farine. Jésus les a envoyés prêcher dans le monde entier; catholique veut dire universel. Une seule Eglise dans tous les lieux, tous les temps.
Et de l’eau. C’est la grâce, en particulier celle du baptême.
Le levain est discret, pourtant il change la pâte. Ce n’est pas le monde qui doit changer l’Eglise et les chrétiens, c’est le contraire. Les exemples entrainent, mes enfants! Le mauvais exemple est contagieux, mais le bon aussi. Soyez ce bon levain du Royaume de Dieu; à l’église, à la maison, à l’école, au catéchisme, dans le scoutisme. Par vos paroles, et votre exemple.
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Mes bien chers frères et sœurs,
Dans l’Evangile, le Royaume de Dieu désigne plusieurs choses ; le Christ, l’Eglise et le chrétien.
- Le Christ d’abord ; Il est Dieu fait homme. Dans son unique Personne, Il joint la divinité et l’humanité. Le levain est sa divinité, cachée mais non disparue dans l’Incarnation. Elle a été efficace pour sauver et sanctifier.
- Ensuite l’Eglise que le Christ a fondé, et son rapport au monde. L’Eglise est indéfectible, elle doit durer jusqu’à la fin des temps. Elle est présente au monde, mais elle ne disparaît pas dans le monde; elle change le monde. Et lorsque le monde s’éloigne de Dieu, la présence, la fidélité, la prière des justes intercède pour le monde. A cause de cela, Dieu limite la permission du mal; pour ne pas pousser les justes au désespoir, ne pas tenter ou éprouver au-delà de ce qu’on peut endurer. Ecoutez le dialogue d’Abraham avec Dieu devant l’antique Sodome pervertie; c’est très actuel, et aussi plein d’esperance; «Leur péché est énorme… Supprimeras-tu vraiment le juste avec le méchant? … Celui qui juge toute la terre n’appliquera-t-il pas le droit? Pour 50, … ou même 10 justes, n’épargneras-tu pas, ne pardonneras-tu pas?… Pour 10 justes, j’épargnerai la ville1».
- Enfin le chrétien, qui est dans le monde sans appartenir au monde. Exposé, mais non contaminé par ce qui s’oppose à l’esprit du Christ et de l’Evangile – dans une époque, ses mœurs, ses idées, ses institutions ou ses lois. La parabole est claire; le chrétien est appelé à changer le monde, non l’inverse.
Cette parabole va donc avec celle de l’Eglise et du chrétien, lumière du monde qu’on ne peut cacher sous un boisseau – et sel de la terre qui ne doit pas s’affadir.
La tradition de l’Eglise, les saints l’ont compris.
Dans le petit monde mélangé de ses écoles, saint Jean Bosco veillait à maintenir l’influence dominante des bons sujets. Le Père Sevin disait à ses éclaireurs; «il y aura dans le monde, à l’école, à la maison, dans la rue, quelquechose de changé, en mieux. Parce qu’il y aura un vrai chrétien, un vrai apôtre, un vrai éclaireur».
Cependant certains ont dénaturé le Royaume de Dieu.
Ce ne serait plus Dieu s’incarnant pour sauver – l’Eglise prêchant la vie éternelle et les verités de foi, donnant la grâce par les sacrements, éclairant la conduite des hommes et des cités par les commandements – le pécheur converti, apôtre, zélé.
Ce serait la disparition du Dieu fait homme, réduit à un homme ordinaire – et en conséquence l’Eglise évanouie et digerée, le chrétien anonyme, le prêtre travailleur social à risque, plus ou moins utile. «Vivre l’enfouissement (et même le confinement), être le levain dans la pâte, être une Eglise non sacramentelle»… Cette lecture à l’envers de l’Evangile, cette tentation courante au milieu du siècle dernier est redevenue hélas à la mode.
Alors nous voulons rester, non pas intégristes, mais intègres. En gardant simplement, intégralement l’enseignement du Seigneur, le culte qui lui est dû, sa Loi de sainteté. Si le Royaume des cieux est comparé au levain, c’est pour dire non son enfouissement mais son avènement, non sa disparition mais son extension.
Nous le savons, ce Royaume est commencé mais inachevé, en nous et autour de nous. Il souffre violence, et ce sont des énergiques qui s’en emparent.
Pour nous garder confiants, le catéchisme de l’Eglise catholique2 nous encourage et nous console; car ce levain dans la pâte, c’est aussi et enfin la force de la prière, de la messe, de la communion, de la charité mêlée quotidiennement aux heures joyeuses ou douloureuses de l’Eglise et des disciples du Seigneur!
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1Genèse, XVIII, 16-33.
2§2660 ; Il est juste et bon de prier pour que la venue du Royaume de justice et de paix influence la marche de l’histoire, mais il est aussi important de pétrir par la prière la pâte des humbles situations quotidiennes. Toutes les formes de prière peuvent être ce levain auquel le Seigneur compare le Royaume (cf. Lc 13, 20-21).