Avent. Attente. Veille...
Comme les pasteurs de Bethléem, lors de la 1ère venue du Sauveur.
Âmes simples… détachées du côté des choses de la terre… consentantes à la pauvreté du silence et du désert, loin du bruit du monde et des passions…
Âmes attentives au concert des créatures, de la nuit, du cœur, et de Dieu. Attentives au silence, aux gémissements, aux mouvements de ce qu’ils gardent. Lançant parfois un appel dans la nuit, qui reprend ou qui rassure, qui réveille et alerte, ou repose et apaise. Cette vigilance est celle des pasteurs dans l’Eglise.
Regardez-les près de la crèche, debout. Ils ne dominent pas le troupeau, ils sont au milieu du troupeau… leurs brebis autour d’eux, près d’eux. Prêtre, tu n’es pas surveillant d’âmes, mais veillant sur les âmes. A commencer par la tienne. « Veille sur toi et sur ton enseignement1» ; celui de tes paroles et de tes actes.
Regardez-les agenouillés dans la crèche, au petit matin du 25, à l’aurore. Prêtre, tu es serviteur d’âmes, et adorateur du vrai Dieu.
Hier etait ton ordination dans la tradition romaine. Aujourd’hui, tu entendais les avis graves de St Paul ; te voici ministre du Christ, intendant des mystères de Dieu. Tu seras agneau, offert à la suite de l’Agneau de Dieu2. Pasteur, tu veilleras sur les brebis du Seigneur, non par force mais de bon gré, non pour un vil profit, mais avec empressement, non par abus de pouvoir, mais par autorité et par exemple3. Ainsi Dieu te regarde et te juge, ainsi les hommes doivent-ils te regarder et te juger.
Marie, Etoile du matin, Aurore du salut4, veillez sur vos veilleurs, les prêtres de l’Eglise ; veillez sur eux et avec eux. Jésus, soleil de justice5, venez.
Cette vigilance est donc celle des pasteurs, proprement.
Mais ensuite et plus largement, c’est celle des consciences.
La vie chrétienne est une veille de nuit, la venue du Seigneur en est l’aube. Ceux qui ont veillé dans la nuit où tout se tait peuvent comprendre. La mère au chevet d’un enfant, le scout gardant son camp, le marin de quart, le pèlerin arpentant la terre sombre, ou enfermé au St Sepulchre, à Jerusalem, le malade et le soignant. Le disciple devant son Maître et Ami réellement présent au sacrement de l’autel. Le chrétien qui n’est plus du monde, mais qui est dans le monde.
L’obscurité peut être visible ou non, physique ou spirituelle. Elle est tantôt inquiétante, tantôt rassurante. Tantôt paisible et tutélaire, tantôt piégée ou dangereuse. Elle fait monter au cœur de l’homme responsable tantôt la paix, tantôt l’inquiétude. Tantôt la torpeur et tantôt la ferveur. Elle fait fixer les étoiles et désirer le point du jour. Tenir jusqu’à ce que vienne l’aube, enfin!
Toi, petit Enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut.
Tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies.
Tu donneras à son peuple la science du salut,
tu conduiras nos pas sur le chemin de la paix.
Dans son cantique répété aux laudes de chaque jour, Zacharie parle de son fils nouveau-né, St Jean Baptiste. L’éveilleur des consciences. Eclaireur, précurseur. Il n’est pas le Messie, il n’est pas lui-même la lumière, mais il est éclairé par cette lumière.
« La vraie lumière éclaire tout homme venant dans ce monde6 ». C’est la conscience, cette règle, ce repère intérieur gravé non sur des tables de pierre, mais dans le cœur de chair. Faculté de jugement, petite voix, sentinelle intérieur de nos actions. Ni simple émotion collective, ni maître absolu pour agir « par-delà le bien et le mal ». Mais témoin et prophète, peu à peu formé, éclairé, instruit. Chrétien, prends-tu soin de ce témoin et prophète, de ce guide et veilleur intérieur? C’est ton œil spirituel et la lampe de tout ton corps7, toute ta vie, tes choix et tes actes. C’est un devoir grave de former, éclairer, purifier et suivre ta conscience.
St Jean Baptiste, éclairé pour être éclairant.
Sa mission sera d’éclairer les consciences. Patiemment, fermement, il redressera les conduites, aplanira les obstacles, comblera les manques pour que le Seigneur vienne dans les cœurs. Fraudeur ou racketteur, contente-toi de ce dont tu as besoin et gagne-le honnêtement. orgueilleux, que ta perfection vraie ou supposée ne te fasse pas illusion; n’oublie pas de qui tu la tiens. Pécheur, ne désespère jamais de la Miséricorde de Dieu. Il sera l’apôtre du devoir d’état, avant même que la spiritualité chrétienne n’ait inventé le mot. Beau modèle des éducateurs humains et spirituels, au chevet des cœurs. C’est une œuvre de miséricorde de corriger les pécheurs, consoler les affligés, conseiller ceux qui doutent et instruire les ignorants.
Mes chers frères et sœurs, imitez la vigilance des bergers de Bethléem.
Ecoutez et formez votre conscience, pour que les ténèbres et l’ombre de la mort ne vous endorme pas.
Sentinelles joyeuses, renées des eaux du baptême et brûlantes des 7 dons de la confirmation. Tantôt agenouillées dans l’adoration du Dieu présent et caché. Tantôt debout dans l’Eglise, auprès des âmes dont vous avez charge. Sentinelles paisibles, enfin; car vous gardez, mais vous êtes gardés, bien gardés, par la grâce du Seigneur.
«Voici, Il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël.
Le Seigneur te garde, Il est ta protection, il veille sur ta droite, tes actions8».
Oh oui, écoutez-Le vous redire sans cesse;
«Je dors, mais mon cœur veille9».
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1I Timothé, IV, 16.
2Jean, I, 29 – repris dans les rites de la Messe; Gloria, Agnus Dei, Ecce Agnus Dei…
31ère Epitre de St Pierre, Messe des papes.
4Litanies de la Ste Vierge, et chant « Couronnée d’étoiles ».
5Grandes Antiennes avant Noël, et bien d’autres passages de la liturgie.
6Jn I, 9.
7Matthieu VI, 22 et Luc XI, 34.
8Psaume 121.
9Cantique des cantiques, V, 2.