EN GUISE D’INTRODUCTION… – UN PEU D’HISTOIRE GAULOISE – QUI EST ST AIGNAN? – HEURTS ET MALHEURS D’UN LIEU SAINT – TRADITIONS ET COUTUMES – EN GUISE D’ENVOI…
EN GUISE D’INTRODUCTION…
Saint Aignan.. Lieu saint… avec son relief d’opinion et de fait… Elle a sa vitalité vraie avec l’apparence et le renom, plus ou moins fondé. Elle a aussi ses défectuosités, ses inferiorités, moins bien connues du public que de ceux qui en portent la responsabilité devant Dieu, le diocèse et l’avenir.
Toutefois, tel qu’il est, Saint Aignan est « notre » Saint Aignan, notre « cher Saint Aignan« ! Il faut se rendre compte que rien ne met à l’abri des épreuves courantes auxquelles les institutions religieuses n’échappent pas plus que les autres.
Admirer Saint Aignan, « la » découvrir mieux, c’est une justice à rendre et une leçon à prendre. Nous restons débiteurs du passé. Cette église vit toujours, contemporaine et témoin des origines de la Gaule chrétienne. Beaucoup aujourd’hui encore attachent à Saint Aignan les plus graves souvenirs, les plus fortes émotions, les plus grandes grâces de leur vie chrétienne. Puisse-t-elle être cela encore in saecula saeculorum...
(Le curé de St Aignan, propos pour
le centenaire de la réouverture de l’église au culte, 1823-1923).
UN PEU D’HISTOIRE GAULOISE…
De Jerusalem puis Rome, bien vite, la foi au Christ est portée et son Eglise s’étend vers la Gaule: Massilia (Marseille), Lugdunum (Lyon), Agendicum (Sens)… C’est probablement depuis cette dernière, siège des Senones (tribu gauloise qui eut pour chef Brennus), que partirent les évangélisateurs de la Beauce. L’évangélisation suit alors les échanges commerciaux et administratifs.
La tradition de « l’autel de Carnutum« , sur l’Olympe (colline et bois sacré dominant l’Eure) est bien averée. Comme l’autel au Dieu inconnu chez les grecs, ce lieu appelle l’annonce de la pleine verité et de la Croix de Jésus. La fameuse virgo paritura (Vierge qui doit enfanter) n’est-elle pas comme une pierre d’attente de Marie, la Vierge Mère qui doit enfanter le Fils de Dieu fait Homme?
QUI EST SAINT AIGNAN?
Alors se construit le diocèse de Chartres, dont le 5e évêque nous est bien connu… Anianus, ou Aignan, vers la fin du 5e siècle. On sait de lui qu’il est de famille gallo romaine, et disciple du Christ. S’en allant pleurer et prier au tombeau de St Martin, il sera élu évêque de Chartres par acclamation du peuple.
Comme bien des évêques de ce temps, il sera apôtre et bâtisseur. Aussi fait-il commencer le chantier d’une église, avec une crypte, sur le promontoire de la ville de l’époque. A sa mort, ce sera son tombeau, et l’église prendra son nom. Sa fête est le 7 décembre, veille de l’Immaculée Conception, et anniversaire de la translation (transfert) de ses reliques dans l’église, reconstruite après l’incendie de la ville (1134). Actuellement, une petite relique (authentifiée en 1774) demeure, exposée au-dessus du Maître autel. L’actuel reliquaire est du 19° siècle, l’ancien « tryptique de St Aignan » ayant été versé au Trésor de la Cathédrale.
HEURS ET MALHEURS D’UN LIEU SAINT.
L’église Saint Aignan a effectivement connu plusieurs destructions et restaurations depuis ses fondations; sac des normands en 858, incendies de 1134 et 1262.
L’actuel édifice a été commencé en 1514. En architecture il est de style Renaissance, avec quelques éléments empruntés au gothique finissant. Les piles intérieures sont dépourvues de chapiteaux. C’est peut-être de cette époque que date aussi la suppression du chemin de ronde qui passait derrière l’église (au chevet), laissant un impressionnant surplomb sur la ville basse.
Le petit portail d’entrée, très élégant, s’inspire des modèles Greco-Romain.
Les collatéraux (bas côtés) de l’église datent également du XVI° siècle, avec leurs belles voûtes (plafonds) en croisée d’ogive. Une crypte de même époque a permis de compenser le dénivelé du sol (inaccessible à ce jour). Le rond point est de même époque. Ces travaux sont réalisés et suivis notamment par le célèbre Jehan de Beauce. Signalons également l’aménagement et la décoration des chapelles latérales de la Vierge, de St Michel, de St Blaise (fonts baptismaux).
L’église, située à flanc de coteau, repose sur des fondations anciennes qu’il a fallu constamment renforcer.
En 1624, une nouvelle campagne de travaux permet la création d’un triforium, de grandes baies geminées (vitraux supérieurs simples et clairs) et d’une belle voûte lambrissée (formant un « bâteau renversé« ).
De cette époque date également la chapelle dite (plus tard) du Sacré Coeur. L’actuelle sacristie était alors pourvue de 2 autels, et on célébrait la Messe au rez-de chaussée et au 1er étage de la tour clocher.
1792. Les églises deviennent biens nationaux; St Aignan est vendue pour 13500 francs au sieur Morin, architecte – puis une deuxième fois, pour 2565 francs (60 000 assignats) au sieur Remond.
1793; une vague de profanations a lieu à Chartres. Détruites; St Michel, St Hilaire, Saint Saturnin, St Martin le Viandier. Ruinées, St André, Ste Foy… St-Aignan est désaffectée… Les reliques du saint sont profanées.
1814; 2000 prisonniers prussiens, russes et autrichiens sont enfermés dans l’église. Dans les années suivantes, elle sert de grenier à fourrage.
1822; le « propriétaire » fait don-restitution de l’église à la Ville Chartres, à charge pour elle de la rendre au culte catholique.
Rendue au culte le 31 décembre 1822, elle sera meublée par un autel, les grilles du cœur, et la chaire, en style néogothique. On doit la conduite de cette renaissance spirituelle à l’abbé Lesage, ancien vicaire général et curé de St Pierre, qui demanda la charge plus modeste de St Aignan pour faire revivre ce lieu saint.
Les peintures murales datent du même 19e siècle, et donnent à l’église une atmosphère particulière. (oeuvre de Mr Boeswilvald, architecte de la Commission des Beaux Arts).
Vitraux. On y trouve un ensemble de vitraux remarquables du 16e siècle, ensuite reconstitués ou dégradés (éclatement d’une pièce d’artillerie près de l’église lors du siège de la ville en 1568, grêle exceptionnelle au XVIII° siècle): Représentation de saints populaires,
« remontages » (à partir de pièces de vitraux disparates réassemblées),
fenêtres thématiques variées;
la Dormition de la Vierge, par Pierre Courtois, aux alentours de 1490.
Scènes de la vie apostolique (Le Quo vadis – La conversion de saint Paul, par Jean Cousin, aux alentours de 1540).
Saint Michel terrassant les anges rebelles (inspiré d’une gravure de Dürer, en 1547).
Cet ensemble contribue à faire de Chartres la capitale du vitrail.
L’autel majeur attire les regards dès l’entrée, depuis le fond de la nef. Initialement prévu pour une église normande, il fut finalement installé à St Aignan en 1889.
TRADITIONS ET COUTUMES.
La « station du Dimanche des Rameaux ». On y rappelle l’entrée à Jerusalem de l’arche d’alliance symbolisant la présence de Dieu au milieu de son peuple (au temps du Roi David) – puis l’entrée triomphale du Christ à Jerusalem, quelques jours avant sa Passion et sa mort. Pour commémorer cela et honorer le Christ Roi, le célébrant arrivé en procession se tient devant la porte principale de l’église (qui représente l’entrée de Jerusalem, mais aussi l’accès à la béatitude et à l’éternité dans le Ciel). Derrière se tiennent les chantres (symbolisant les habitants de la Ville Sainte, mais aussi les anges du ciel). Commence alors un dialogue chanté, répété 3 fois;
V/ Elevez vos frontons, portes, élevez-vous, portes éternelles, et qu’entre le Roi de gloire!
R/ Qui est-il, ce Roi de gloire?
V/ Le Seigneur fort et puissant, Le Seigneur puissant au combat! (Bis) puis à la 3ème fois, Le Seigneur des armées (des puissances), c’est Lui le Roi de gloire! (bis)
Ensuite le célébrant frappe avec la croix de procession 3 coups contre la porte, selon la tradition. Et la porte s’ouvre grande, « cédant » à la force de la Croix et de la Passion de Jésus, pour laisser entrer dans la gloire du ciel le Seigneur et tous les élus.
Les « stations » de Pâques. Lors des Vêpres (office de prière publique de l’après midi), tous se rendaient en procession et allaient s’arrêter en chantant …
devant le baptistère (fond de l’église à gauche)
puis devant la grande croix stationnale (fond de l’église à droite) .
puis revenaient au choeur ;
« Le pigeon de Saint Aignan ». Selon une charmante coutume, chaque année, à la Pentecôte, le « loueur » à bail de la propriété de l’église devait apporter à la grand’Messe… un pigeon! Il représentait également le Saint Esprit (qui était descendu sous cette forme sur le Christ au jour de son baptême dans le Jourdain). Le digne volatile était remis solennellement, servait d’image visible pour la fête du Saint Esprit. Puis il était remis en présent à un dignitaire ou un pauvre. (Est-ce pour cette raison que le pigeon demeure bien représenté sur et sous les toits de l’église? Nous aimerions parfois qu’il soit à un unique exemplaire, à la ressemblance de la Personne divine qu’il représente…)
Le « chapitre de Saint Aignan ». De longue date, l’église était paroisse des comtes de Chartres. Un collège (communauté de chanoines) y assurait la vie liturgique et spirituelle. 7 prêtres ayant rang de chanoines y chantaient l’office divin. C’est une offrande quotidienne de louange et de supplication pour les vivants et les défunts, pour tous les besoins spirituels et temporels de l’Eglise et des âmes.
La « confrérie du sacré Coeur ». Alors que bien des endroits de France abandonnaient les sources de la verité catholique et de la Miséricorde divine, une confrérie du sacré Coeur existait à St Aignan au XVIII° siècle. Elle se réunissait à la chapelle du même nom, avait sa branche pour les hommes et pour les femmes, ses offices, prières, ses grands rendez-vous spirituels. Elle fut supprimée en 1778. La dévotion au Sacré Coeur de Jésus repart de plus belle, vivante et fervente, sous la conduite du Curé Levassor, à partir de 1871. On instaure alors la tradition du pèlerinage vers la basilique de Montmartre. Cette belle ferveur, cette première place donnée faisait dire aux paroisses alentours que « St Aignan allait débaptiser son église, pour l’appeler Sacré Coeur!« …
« Les défenseurs de Saint Aignan ». L’histoire a gardé mémoire de ceux qui ont protégé St Aignan de la destruction après la Révolution. Quant aux apôtres démolisseurs d’église, leurs adversaires, nous suivrons le silence de l’histoire sur leurs noms. Voici donc ceux à qui nous devons de voir St Aignan debout encore;
Mgr de Latil, cardinal archevêque de Rennes -NN.SS. Clausel de Montals, Regnault, Lagrange, Mollien, Bouquet, évêques de Chartres – Son Eminence le Cardinal Pie, archevêque de Poitiers – Mgr Pagis Evêque de Verdun – Mgr Foucault, Evêque de St Dié – Mgr Tissier, Evêque de Chalons.
Une église en musique… L’un des éléments qui attire l’attention est bien entendu l’accoustique de l’église, très appropriée à l’office choral et au chant liturgique. Signalons aussi les orgues, dessinés et posés en 1893 par la maison Merklin – depuis entretenus avec passion et amour… Et résonnant sous les doigts des organistes titulaires comme des élèves du Conservatoire, ou des musiciens de passage.
Ajoutons que l’église a inspiré hier et aujourd’hui des compositions. En voici 2, l’une ancienne, l’autre nouvelle.
Les siècles ont passé, son Eglise est debout!/ Saint Aignan, notre Saint, évêque de nos pères,/ tu leur ouvris les yeux à l’aube de la foi,/ joignis leurs rudes mains vers Dieu pour les prières,/ elevas cet autel et ce mur et ce toit.
Nous implorons pour tous: pour la patrie entière,/ pour ceux qui sont tombés au creux de ton rempart, / pour ceux qui sont couchés dans l’étroit cimetière, / Comme s’ils reposaient en paix sous ton regard./ Les Huns sont revenus félons, cruels, farouches,/ Le Te Deum vainqueur a jailli de nos bouches!
Les siècles ont passé, ton Eglise est debout! /Que les siècles futurs préservent cette enceinte. /Que les fils de nos fils y viennent après nous. /Qu’ils vibrent à l’écho de ta parole sainte. /Sous ta main qui bénit , qu’ils tombent à genoux. /Qu’ils puissent t’invoquer à cette heure dernière, /Où le dernier regard s’éteint sous la paupière.
Et puis celui-ci plus récent;
PDF Embedder requires a url attributeEN GUISE D’ENVOI
Une église n’est pas un musée, un simple édifice public. C’est un lieu de culte catholique, lieu sacré et habité. Habité d’abord par la présence de Dieu. Ensuite par le souvenir de nos anciens, nos pères dans la foi. Enfin par la prière que les petits et les grands, les savants et les humbles ont ici offert comme la fumée d’encens montant vers le Dieu 3 fois Saint.
« Vraiment Dieu est ici et moi, je ne le savais pas!
Ce lieu est saint et redoutable;
c’est ici la maison de Dieu, et la Porte du Ciel. »
« J’ai aimé Seigneur la beauté de votre demeure,
et le lieu où habite votre Gloire!
Puisqu’il faut enfin finir … Les religieux finissent chaque jour aux pieds de la Vierge Marie, avec le Salve à la Reine, Mère de Miséricorde. En rite chartrain, il est de coutume de passer devant la statue de la Vierge, au début et à la fin de l’office, en lui chantant cette très simple prière;
« Regina carnutum ora pro nobis
Reine des carnutes, priez pour nous! »
Que la Bonne Mère protège et garde toujours sous son voile de tendresse les fidèles, les curieux, les pèlerins et les passants qui défilent auprès d’elle, à St Aignan… Maintenant, et à l’heure de la mort, amen.
Abbé Alexis Garnier, FSSP.
Sources: Clocher dans le ciel de Chartres, hier et aujourd’hui (Editions du Cherche-Midi).
Eglise saint Aignan, fragments d’histoire, 1823-1923, centenaire de Résurrection (Imprimerie Durand, Chartres).
L’église Saint-Aignan est rattachée à la paroisse Cathédrale.
Découvrez de nombreuses photos de l’église Saint-Aignan sur le site patrimoine-histoire.fr ou encore sur photos-eglises.fr
Elle se trouve en centre ville : place Saint-Aignan 28000 Chartres.